M ou la vie dans la montagne 4 : Faucons pèlerins du monde


Faucon pèrerin. Sur le roc. Guido Tarabini

J’avais dans ma maison trois chaises : une pour la solitude, deux pour l’amitié, trois pour la société. Lorsque les visiteurs s’en venaient en nombre plus grand et inespéré, il n’y avait pour eux tous que la troisième chaise, mais généralement ils économisaient la place en restant debout. Henry David Thoreau. Walden ou la vie dans les bois. Visiteurs.

Il va de soi que l’une des raisons principales de mon attraction pour la colline demeure la présence des faucons pèlerins sur la falaise de Dieppe. Au cours de mes premières promenades au pied de leur domaine, il me fut impossible de les apercevoir. La deuxième fois, je reconnus leurs cris singuliers, celui d’une vieille poulie centenaire rongée par la rouille : Gaë ! Gaë ! Gaë ! Lors d’une randonnée du côté secret du Piémont, je m’aventurai fièrement vers le sommet Dieppe. Sur le sentier, quelle ne pas ma surprise de découvrir, seule, innocente, baveuse, gaillarde et incongrue, une magnifique plume d’oiseau non identifié. Étonnée, je refusai de croire à la magie des fées de la falaise qui sans doute, me faisaient un signe d’amitié. Oui. Incrédule, je laissai la plume suspecte sur la sente, incrustée de ma main naïve dans l’écorce d’un arbre.

Un mois après cette trouvaille inusitée, je peux affirmer avec honneur que les faucons sont bien établis sur la falaise, qu’ils ont une portée de quatre fauconneaux, qu’ils se promènent allègrement sous mon nez lorsque ce manège leur plaît, et que ces petits diablotins ont perdu une plume sur le sentier de Dieppe, tout près du sommet. Ce matin, je suis allée vérifier si la chose en question était toujours plantée dans l’écorce. Oui ! La voici !

Plume de faucon

Depuis des millénaires, le faucon fascine. Élevé au rang de dieu par les Égyptiens, il revêt plusieurs facettes. Horus, le dieu à tête de faucon symbolise le dieu soleil. Horus, celui qui est au-dessus, celui qui est lointain… Le petit diablotin céleste dont l’œil droit symbolise le soleil et l’œil gauche, la lune. Puissance, élégance, finesse et vitesse, le faucon est une machine à voler, un bolide supersonique naturel, une bombe de chasse.

Faucon pèlerin. Atterrissage. Guido Tarabini

Falco, celui qui à des ongles en forme de faux. Un engin destructeur pour la gent ailée lunatique. Sa silhouette semblable à une ancre demeure facile à identifier. Le pelage varie selon les régions de gris clair à brun plus foncé. Le pèlerin doit sa réputation à la difficulté de l’homme à repérer son nid. Au moyen¸ âge, on le prenait pour un oiseau de passage, un migrateur, un pèlerin… Il niche dans les corniches, dans les falaises, les crevasses et même, sur les hauts immeubles des centres-villes. Le faucon pèlerin chasse au vol à des vitesses vertigineuses : plus de 380 km heure. Il plonge ou pique sur sa proie les ailes fermées, attaque par le bréchet et avale tout crû sur place les petits amuse-gueules ou ramène le dîner au nid pour la nichée. Il ne dédaigne pas chasser au sol, cherchant petits mammifères, insectes et amphibiens.

Faucons pèlerins au vol. Guido Tarabini

Le couple s’unit pour la vie. Le couple revient toujours au même endroit pour élever les petits. La période de reproduction s’étend de la mi-février à la fin avril. La femelle pond de trois à cinq œufs. L’incubation s’échelonne sur trente jours environ. Les jeunes sont prêts pour leur premier vol après 35 jours environ. Les grands apprennent aux petits la chasse 101 des faucons en les entraînant à attraper leur proie au vol. Ils lâchent l’appât au-dessus du petit… Quels diablotins !

Le faucon pèlerin demeure une espèce menacée. Le pire ennemi de cette bête remarquable semble les alpinistes téméraires qui escaladent les falaises à tout propos dans le seul but de satisfaire leur curiosité. Cette circulation humaine nuit à son développement. Trop de circulation le fait fuir. Le dieu aime la solitude.

Faucon pèlerin et trois fauconneaux. Guido Tarabini

Et pourtant, le bel oiseau, le rapace des dieux, adore aussi les balades contemporaines. Sa proie préférée étant le pigeon, la vie urbaine l’attire pour les cinq à sept BCBG. Je me souviens d’un été pas trop lointain ou l’un des rejetons du couple de la falaise avait adopté le clocher de l’église comme garçonnière. Sur les terrasses, les dîneurs consternés pouffaient de rire en entendant ces cris étranges provenant de nulle part. Certains plaisantins aimaient à répandre certaines rumeurs sur les comportements étonnants du curé. Le chant nouveau sonnait comme une vieille poulie…

Je remercie cordialement monsieur Guido Tarabini pour ses précieuses informations sur les faucons pèlerins ainsi que pour l'autorisation de partage de ses merveilleuses images. Il est rare d'allier avec autant d'élégance le talent, la poésie, la précision et la passion. Vous pouvez consulter ses oeuvres photographiques sur son site: http://guidotarabini.fotoloft.fr/index.html

À suivre…

Sources. Wikipédia. Illustrations : Guido Tarabini.

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