M ou la vie dans la montagne 3 : Les 77 nains

 

Étang de Dieppe

Il y a eu des gens embarrassés pour expliquer le pavage si régulier de la rive. Mes concitoyens ont tous entendu raconter la tradition — les plus vieilles gens m’assurent l’avoir entendu raconter dans leur jeunesse — suivant laquelle anciennement les Indiens tenaient là un paw-waw sur une montagne aussi haut dressée dans les cieux que l’étang s’enfonce aujourd’hui profondément dans la terre, et employaient, comme dit l’histoire, un langage assez profane, quoique ce vice soit l’un de ceux dont les Indiens ne se rendirent jamais coupables, lorsque dans le temps où ils étaient de la sorte occupés la montagne trembla et soudain s’abîma, pour seule une vieille squaw, nommée Walden, survivre, de qui l’étang tient son nom. Henry David Thoreau. Walden ou la vie dans les bois. Les étangs.

Certes, il existe plusieurs légendes au sujet du mont Saint-Hilaire. À l’image du cher étang Walden de Thoreau, une foule de superstitions subsistent sur la falaise Dieppe, sur les quatre monts principaux et sur les bois de la montagne. Je me souviens particulièrement de celle du cheval blanc. Ce symbole puissant que l’on aperçoit sur le flanc de la montagne au printemps. Lorsque la neige persiste dans la falaise et que la marque distinctive du cheval persiste. Les sages de ce village devenu ville disent encore que les semailles ne doivent débuter tant et aussi longtemps que le cheval blanc demeure visible. Je ne sais pas si cela s’apparente à une malédiction digne de Toutankhamon. Cependant, il m’apparaît juste de suivre de si sages conseils.

Je reviendrai sur les drôles de légendes qui circulent sur les sentiers.

MSH. Carte des sentiers

Walden, l’étang légendaire de Thoreau ne ressemble en rien à ceux que l’on retrouve sur la montagne. Il m’apparaît immense en comparaison avec mes lieux de pèlerinages préférés. Il s’agit plutôt de petits étangs d’eau stagnante créés soit par dame nature depuis fort longtemps ou par les conservateurs du Centre de la Nature. Selon les administrateurs de la réserve, il en existe cinq. Ce sont de belles petites mares, des étangs peu profonds, des grenouillères remplies de quenouilles et de merveilleuses anoures. Les anoures, les grenouilles charmantes, règnent en reines et en fées dans ces antres de fraîcheur.

Sur le Piedmont, au pied de la falaise de Dieppe, j’aime à débuter mes escapades par une halte à l’un de ces étangs. Caché derrière une dense végétation de vinaigriers, de framboisiers et de bouleaux, l’étang de la falaise ressemble à une toile impressionniste. Monet aurait aimé ce refuge discret et poétique. Attirée par le concert tonitruant des grenouilles vertes, je ne peux résister à ce détour vers quelques salutations. Le pas léger, il demeure toujours agréable de découvrir le repère de ces dames causeuses…

À la suite de la mésaventure des scouts en herbe de l’autre étang, celui du cheval blanc, je ressentais une légère angoisse sur la survie de ces précieuses logeuses des mares. Comme d’habitude, je m’approchai sur la pointe des pieds, à l’affût de dialogues secrets entre les fées lilliputiennes de la falaise.

D’entrée de jeu, il me semble toujours fascinant de constater la vie omniprésente de tout étang. Les rives semblent dotées d’une force de survivance impressionnante. Selon les saisons, le niveau de l’eau varie de façon dramatique. Les précipitations semblent essentielles à leur survie. Pierres, vases, quenouilles, traces de visiteurs, tout est matière à réflexion.

Étang de Dieppe

Je peux passer de longues minutes à étudier les fraîches histoires à raconter laissées par les habitants de la montagne sur la vase…

Une biche, un raton laveur, une mouffette, une marmotte… Qui sait ? Un renard ? Tous ces voyageurs viennent saluer le petit monde des étangs. Il faut parfois un peu de patience pour apercevoir les véritables résidentes des lieux. Dans leur château de quenouilles, leur forteresse de pierres ceinturée de verdure, les dames se font rares…

Je me demande parfois si elles existent vraiment… Les caméléons peuvent aller se rhabiller. Ces dames possèdent l’art du camouflage mieux que quiconque.

Grenouille verte. GaënaPuis, l’œil se fait à l’idée. Le regard perçoit les premières élégantes de cette toile vivante. Une, trois, cinq… Et puis, tiens, en voilà une autre. Au bout du compte, une smala impressionnante se révèle.

Lors de ma dernière visite, plus de 77 naines de la montagne sont venues me saluer.

Et vous ? Combien de petites fées des étangs avez-vous comptées ?

À suivre

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