De l’écriture : Le livre… objet en voie de disparition ?

 

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De deux choses l’une: ou bien le livre demeurera le support de la lecture, ou bien il existera quelque chose qui ressemblera à ce que le livre n’a jamais cessé d’être, même avant l’invention de l’imprimerie. Les variations autour de l’objet livre n’en ont pas modifié la fonction, ni la syntaxe, depuis plus de cinq cents ans. Le livre est comme la cuiller, le marteau, la roue ou le ciseau. Une fois que vous les avez inventés, vous ne pouvez pas faire mieux.

Umberto Eco. N’espérez pas vous débarrasser des livres. Jean-Claude Carrière. Umberto Eco.

Je vous semble sans doute infidèle depuis quelque temps. Loin de moi l’idée de vous oublier ou d’abandonner la rédaction de ce carnet d’exercices. Le temps me manque tout simplement. Je me consacre davantage à l’écriture de nouvelles et de romans. Néanmoins, je tiens mordicus à partager avec vous certaines impressions issues de mes diverses activités culturelles. Les escapades de M sont surtout littéraires. Je suis plutôt pantouflarde. Le printemps aidant, il me vient des envies de fugues musicales, d’explorations chez les bouquinistes, de découvertes dans les galeries d’art, de surprises dans les musées du monde, de gastronomies exquises dans les restos ou tout simplement de déambuler dans les rues de Montréal sans but précis. Un nowhere littéraire à suivre…

Dans cet ordre d’idée, ma récente navigation parmi les rayons des nouveautés de ma librairie préférée s’est avérée fructueuse. Je désirai déambuler et bouquiner tranquillement jusqu’à la nouvelle parution de James Ellroy, Underworld USA. Ce que j’ai fait. À destination, je me suis mise à l’examen de cette édition. Une brique de plus de 700 pages. Puis, je me suis souvenue de mes premières expériences avec cet auteur. Le livre est le quatrième volet si je ne m’abuse de cette suite sur les dessous de la vie politique américaine. Une lecture difficile truffée de scènes violentes, de propos vulgaires, de sexualités du style «je sème à tous les vents ». Bref, une saga juteuse sur la corruption, la collusion et tout le tralala des potins à scandales qui naissent sur les chantiers des primaires et présidentielles américaines. Une formule parfaite pour les best-sellers. J’ai remis le bouquin sur le présentoir …

Ce genre de lecture ne m’intéressait pas.

Puis, je me suis perdue dans les allées comme chez tout bon bouquiniste. J’ai évidemment remarqué plusieurs livres intéressants. Je me suis laissé charmer par un essai présenté sous forme d’entretiens entre les auteurs, Umberto Eco et Jean-Claude Carrière. Les entretiens sont menés par Jean-Philippe de Tonnac. Le titre a évidemment attiré mon attention, dès le premier regard : N’espérez pas vous débarrasser des livres.

L’internet bouleverse notre existence. La technologie évolue à un rythme époustouflant. Désormais, il nous semble impossible d’imaginer un monde sans ces nouveaux instruments. Le monde des communications est complètement chamboulé par ces outils contemporains et les facilités d’accès qu’ils offrent. Les ordinateurs et les moteurs de recherches qu’ils proposent transforment nos habitudes de lectures. Les informations diffusées sur l’Internet sont issues de multiples sources, dont celles émanant des réseaux des grands médias, des maisons d’édition, des réseaux sociaux et des internautes. La diffusion de ces informations est incessante et n’est soumise à aucune limite sauf celles prescrites par les droits d’auteur. Nous souffrons donc en général d’une surdose d’informations de qualité souvent intéressante, mais parfois douteuse.

Le livre en tant qu’objet est donc soumis à de multiples pressions. L’univers numérique offre de nouveaux formats de mise en mémoire, de nouvelles plateformes de lectures, des facilités d’impression inégalées. Une simple clé peut mémoriser une quantité énorme de données et donc d’informations que nous pouvons trimballer avec soi partout et utiliser comme bon nous semble.

Le livre numérique ou ebook est-il en train de bouleverser le monde de l’édition ? Il suffit de regarder autour de nous pour constater que oui, le livre en tant qu’objet est en pleine mutation. Les gens consultent de plus en plus les journaux sur Internet, et ce, sur différents outils : ordinateur, cellulaire, lecteur audio (Kindle et autres), iPod, etc. La venue possible d’Amazon au Canada suscite de vives craintes dans le milieu littéraire. Il suffit de prendre connaissance des vives réactions que cette menace potentielle fait naître. Le livre numérique peut-il faire disparaître le livre classique ?

Cet essai tente de peser le pour et le contre de toutes ces peurs suscitées autour de l’internet et de la destinée du livre. Je trouve particulièrement juste cette comparaison en la roue et l’imprimerie proposée par Umberto Eco. Je ne crois pas qu’il soit possible de réinventer la roue. Le livre doit évoluer pour survivre dans le temps. Ces nouvelles technologies demeurent des voies nouvelles, des routes à explorer, à découvrir. Le lecteur est devant l’inconnu. Il doit sortir de sa zone de confort pour vivre l’expérience. À titre de nouveauté, le livre numérique sera sujet aux critiques et aux craintes du lectorat réticent au changement, au lobbying de toute nature.

L’espace numérique ne fait que valoriser le livre. Il s’agit en quelque sorte de nouveaux outils promotionnels. Je ne vois pas très bien lire un roman complet sur de tels outils. Non. Par contre, je trouve cette nouvelle technologie fascinante pour développer l’intérêt, le goût de la lecture parmi la jeunesse ou les gens peu enclin envers la littérature. L’imprimerie sera toujours le meilleur outil pour la préservation du livre. L’imprimerie demeurera toujours la roue du livre. Le livre doit évoluer pour survivre. Rien de plus normal. Rien de nouveau sous le soleil printanier. La roue tourne et demeure essentielle. Le livre aussi.

N’espérez pas vous débarrasser des livres, un livre fort pertinent sur l’avenir du livre. Une lecture que je vous recommande sous le soleil, sur une terrasse, devant un espresso…

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1. Illustration; Caspar Davis Friedrich. View from the painter’s studio. 1805.

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Commentaires

  1. Pas mieux dit.

    J'aurais aimé vous le dire
    en couchant ces quelques mots sur papier.

    Je me contenterai de les accrocher verticalement à votre écran.

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