Musée des beaux-arts de Montréal : J.W. Waterhouse

 

John William Waterhouse

 

Je vous imagine au comble de l’angoisse. Ciel ! Un musée. Que diabl’alla-t-elle faire en cette galère ? Ceux qui ont suivi mes péripéties au musée national des beaux-arts du Québec s’interrogent amèrement à la lecture de ce préambule. Subira-t-elle en cette demeure montréalaise une deuxième offense ? Un autre mystère se pointe. Commençons par le début. Mercredi après-midi, je me suis présentée à la billetterie du Musée. Candide tel Candide, ne voulant pas mettre inutilement de l’huile sur le feu, j’ai confié tout mon attirail d’exploratrice au cerbère du vestiaire : parapluie, imperméable et sac à dos. J’étais prête pour l’appareillage au pays des fées. Je vous rassure. Je suis entrée au musée aux environs de 15 heures et j’en suis sortie, sur mes deux pieds, vers …

L’artiste naît à Rome, de parents britanniques, mais la famille retourne à Londres lorsqu’il a cinq ans. Dès son jeune âge, Waterhouse aide son père dans son studio et a tôt fait de s’intéresser à la peinture, à la sculpture et à l’Antiquité classique. En 1870, il est admis à l’École de la Royal Academy, où il impose graduellement son style, par des œuvres originales et mélancoliques inspirées de la Rome et de la Grèce antiques. Par ses images dramatiques, arborant de vives couleurs et mettant en scène de belles femmes, il acquiert la notoriété au sein de l’Empire britannique et lors des expositions internationales de 1890 et de 1900.

John William Waterhouse. Le cercle magique. 1886

Certains hommes murmurent à l’oreille des chevaux. Certains peintres  chantent des complaintes chevaleresques pour l’âme des sirènes, des déesses, des sorcières et des infidèles. Une ode à l’amour pour tous. Tel fut John William Waterhouse. Tout au long de sa carrière, il a su capter le murmure de l’âme humaine en écoutant le cœur des fées pour le transcender sur ses toiles. De son atelier, il a écouté le chant de l’invisible et prit le thé avec Circé, Mariamne, Miranda, Sainte-Eulalie, Sainte-Cécile, Tristan et Iseult, La belle dame sans merci, Lamia, la dame d’Escalot et plusieurs autres…

Souvent associé aux préraphaélites, qui aspiraient à retrouver la beauté et la simplicité du monde médiéval, Waterhouse était aussi un peintre classique. La rétrospective permettra d’illustrer comment les peintures de l’artiste reflètent son engagement envers les thèmes de son temps, comme le médiévisme, l’héritage du classicisme, le spiritualisme et la femme fatale. Né l’année même où les préraphaélites se sont fait connaître en exposant à la Royal Academy, il a hérité de leur engouement pour Alfred Tennyson, John Keats et William Shakespeare. Waterhouse était aussi sous le charme mythique des enchanteresses, des enfers et de la beauté. Ses toiles dégagent une fascination romantique pour les passions féminines exacerbées : il a choisi de peindre la Dame de Shalott, Cléopâtre, Circé, Lamie, Ulysse et les sirènes, et Mariamne, condamnée à mort. La littérature a été pour lui une source d’inspiration, tout comme les récits mythologiques célébrés par Homère et Ovide.

John William Waterhouse. Mendelssohn. 1886 Le jardin des sortilèges lève le voile sur une partie de ce mystère fait homme. Plus de 80 tableaux, des études à la sépia, des encres, des essais au crayon dans les marges de la poésie de Shelly, des carnets d’esquisses, des lettres personnelles. Cette exposition est minée de sortilèges tous plus fabuleux les uns que les autres. Les plus grandes œuvres de ce peintre sont regroupées dans quelques salles dont Le cercle magique, Sante-Eulalie, The lady of Shallot, Pénélope, Sainte-Cécile et les Danaïdes. Chaque tableau est envoûtant. Un parfum indicible se dégage de chaque œuvre. On ne peut que se laisser séduire par les incantations subtiles et intenses qui enivrent tous les sens. Un passage inoubliable de l’histoire, souvent tragique et cruelle, se déroule devant nous. Médée verse le poison tandis que Jason l’observe en silence, des nymphes découvrent la tête d’Orphée dans un ruisseau, Psyché ouvre la porte des roses de Cupidon, Rosamonde regarde à la fenêtre tandis qu’Éléonore s’apprête à l’empoisonner. Un peu plus loin dans le jardin, l’âme de la rose se disperse, la vanité s’extasie et la dame de Shallot largue les amarres vers sa destinée…

Les visages, les yeux, les cheveux, les mains, les pieds ; l’expression entière de ses protagonistes est d’une intensité extraordinaire. Plusieurs rumeurs tenaces circulent au sujet des modèles de Waterhouse. On dit que les traits de la sorcière du Cercle magique sont inspirés de Sarah Bernhardt. Il est vrai que les plus grands modèles on posés pour lui. Dans les faits, il semble plus probable que sa femme, Esther Kenworthy, peintre, et que surtout sa sœur, aient servi de modèles pour plusieurs œuvres. Selon différents spécialistes, le visage de la dame de Shallot est celui de la sœur du peintre.

Travailleur infatigable, la minutie de Waterhouse se transmet dans chaque détail. Les drapés, les éléments de la nature, les symboles parsemés de-ci de-là captent notre attention et notre âme pour longtemps. Les couleurs vives, les mouvements suggérés, la précision et la pureté des lignes sont tout simplement sublimes.

John William Waterhouse

John William Waterhouse. Lamia with is dog. 1909 Cette promenade offerte par le Musée des beaux-arts de Montréal dans le jardin des sortilèges est une expérience fabuleuse. C’est un rendez-vous impératif avec le peintre des fées.

O ! Et je m’en voudrais d’omettre de vous préciser que je suis rentrée chez moi… fort tard.

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I. Sources de la documentation : Musée des beaux-arts de Montréal

II. Illustrations: John William Waterhouse. Le jardin des sortilèges (1917), Le Cercle magique (1886), Sainte-Cécile.

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