Fleurette étudie la clarinette au séminaire de Québec. Depuis son entrée dans le prestigieux établissement, elle habite un petit deux pièces dans la Basse-Ville. Âgée de vingt ans, elle est orpheline. Elle n’a jamais connu ses parents décédés dans un accident d’avion. Élevée par son oncle, un professeur de mathématique, historien et mélomane, Fleurette se passionne pour l’histoire de la musique et surtout du jazz, depuis toujours…
Afin de poursuivre ses études, elle travaille au château Frontenac au café Roro. Elle aime ce travail qui lui permet de rencontrer toutes sortes de gens et de ramasser des sous pour ses études. Toute menue, on la surnomme Petite fleur comme la chanson de Bechet. Délicate, et pourtant, elle ne donne pas sa place pour ce qui est d’accomplir le travail. Dès l’aube, elle se met à la tâche. Première répétition de la journée jusqu’à 7 heures, suivie d’un frugal petit déjeuner en compagnie de Sidney 3, le chat. Puis, départ pour le travail au bistro du château.
Le petit déjeuner des gens de la Haute et de la Basse-Ville ne souffre aucun retard.
Un matin de juin, je déjeunai en compagnie de la tribu à ce fabuleux resto. Le premier repas du matin était toujours un festin à cet endroit. Le petit déjeuner était un véritable bonheur, un jour de fête mémorable. Je me souviens des portes virées de l’entrée, des fontaines à tête de lion que mon père aimait dessiner, des énormes banquettes disposées le long des murs, des tables du centre avec vue sur la galerie des boutiques du château. Le décor rococo du bistro se différenciait du classicisme de l’architecture du château. Les boiseries imposantes et les tapis mystérieux des mille et une nuits se taisaient au café Roro et laissaient libre cours aux improvisations modernes du jour. Les garçons de table ou les dames en service nous proposaient différents menus tous plus copieux les uns que les autres. Le culte se poursuivait dans la bonne humeur. Les plats se succédaient les uns après les autres sur la table. Œufs de toute magie, rôties et tartines, brioches, croissants, crêpes, gelées, sirop d’érable et jus…
Fleurette servit à notre table le premier matin de notre arrivée. Je me souviens de son sourire et sa voix de soprano.
Le lendemain, elle fut retrouvée sans vie au bas de l’escalier casse-cou de la rue du Petit Champlain. Ce fut une nuit mouvementée dans ce secteur. On dit que le funiculaire tomba en panne vers une heure du matin, quelques minutes après la découverte de Fleurette…
Autre fait étrange, on retrouva la clarinette de Fleurette coincée dans l’ascenseur.
C’est ainsi qu’un jour de juin, je croisai le destin de la clarinette de l’escalier casse-cou.
À suivre…
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1. Illustration : Alexandre Steinlen. Girl and tree kittens.
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mmhhh mmmhhh, étrange ! c'est quand même pas la clarinette qui aurait fait un croc en jambe à Fleurette dans la bouche de l'ascenceur qui l'aurait avaler puis recraché ?! J'espère que non ! Peut-être quelques notes de son instrument favoris lui redonnera vie.
RépondreSupprimerQuel mystère!!!! on ne sait jamais avec les escaliers casse-cou... On ne peut se fier à eux. Ils ont plein de tours dans leurs clarinettes pour ascenceur.
RépondreSupprimerà bientôt, Eipho!