Les vagues du silence 2


L’arrivée d’un nouveau compagnon de classe suscite toujours quelques remous parmi les élèves. Nous nous comportons comme des gamins, peu importe notre âge devant la moindre petite nouveauté. Tiens, le grand roux a un nouveau vélo. Tiens, la petite G a un nouveau sac d’écoliers. Tiens… mademoiselle M a un nouveau chapeau! N’importe quoi.

Aussi, peu importe la saison, l’apparition d’un nouveau visage dans le paysage entraîne des agitations dans les rangs. Maître Guillaume nous présenta Danny selon les traditions. En insistant fortement sur certains points, il nous demanda notre patience, notre indulgence.

-- La famille de Danny est américaine. Notre nouvel ami ne parle donc pas beaucoup français. Il nous sera agréable de l’aider à se familiariser avec les belles lettres françaises. Aussi, je compte sur vous pour lui faire découvrir les joies de notre hiver québécois. Danny vient du Sud… Il ne connaît pas les rigueurs de nos mois de janvier.

Stupeur et vagues silences…

Il n’en fallait pas plus pour susciter la curiosité d’une bande de copains fervents de hockey et de combat de balles de neige. La matinée se déroula dans un calme relatif. Tout le monde attendait la sonnerie de la libération. La récré fut rapidement célébrée. Le groupe de jeunes curieux se rua autour de Danny. Le pauvre avait du mal à respirer tant les amis se pressaient contre lui. Toute la classe voulait savoir les pourquoi et les comment de cette Amérique du Sud de New York inconnue et pleine de mystères. Danny répondait comme il pouvait en prononçant de son mieux les mots en français.

Je restais un peu à l’écart de ce groupe d’énervés. Je n’avais pas l’intention d’étouffer un nouveau copain à son premier jour parmi nous. Je préférai lui laisser le temps de s’habituer à son nouveau patelin. Et puis, il n’y avait pas le feu… Nous avions toute la vie devant nous pour faire connaissance.

À la fin de cette première journée de janvier, je pris le chemin de retour à la maison avec quelques douces réflexions. Dans l’autobus, je cherchai du regard notre nouveau copain. Curieusement, Danny n’y était pas. Selon la petite G, il avait refusé de monter à bord de notre bolide. Il préférait la marche à pied. Curieux. Pourtant, il habitait près de chez moi, ce qui lui faisait une bonne promenade.

Dommage, j’aurais aimé profiter de ce trajet pour lui parler un peu. Je me promis de remettre cette conversation au lendemain. Après tout, j’avais tellement de questions à lui poser sur cette étrange Amérique. Un pays que je connaissais peu même si nous étions voisins. Nous ne parlions pas la même langue, et pourtant, nous avions des vies similaires, enfin, il me semble : Le Coca-Cola, le rouli-roulant, Batman, les Beatles et puis quoi encore…

Un vague silence régnait dans le bus du retour.

Le jour nouveau s’appelait Danny, Afro-Américain mystérieux et très silencieux.



À suivre…

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1. Illustration : Bob Adelman. Registre des électeurs.







Commentaires

  1. Des balles de neige? Chez nous, c'étaient des boules. Des boules de neige. Et puis, à la place d'un Américain, des Grecs que nous mettions dans un sac avec les Anglais.

    J'ai hébergé un Américain venu de Floride, chez moi, quand j'avais vingt-cinq ou vingt-six ans. Il s'étonnait qu'on puisse s'installer à la table d'un café pour y passer trois heures avec un livre, buvant un seul café, sans se faire détester par la serveuse. Et puis un jour il me demanda où on pouvait s'acheter un gun...

    Elle aime beaucoup les chapeaux, mademoiselle M.

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  2. Des balles, des boules, peu importe. L'important c'était la frénésie de la préparation. Et puis, l,inévitable besoin de rentrer à la maison avant les hostilités, car le froid cause certaines nécessités naturelles...

    le temps d'enlever les bottes, les mitaines et les chapeaux... Puis, de remettre tout le matériel de survie. La neige n'était plus là, à notre retour...

    Les cows-boys de l'Ouest américain utilisaient la farine, le goudron et les plumes pour célébrer l'arrivé des nouveaux voisins dans leur village. Je ne sais pas s'ils mettaient tout dans le même sac... Un Shake and Bake à la Reading?

    Trois heures dans un café avec un seul café? Oui. Je fais encore cela tous les jours, mais le personnel se relaye. Dur, dur, la vie des clients de cafés...

    Et un petit secret: Je déteste les chapeaux!

    merci Reading!

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