Le retour du roi des détours 4


-- Mon trésor, s’exclama Gulumpa.
-- Je ne suis pas votre trésor… Je suis le trésor de personne, précisais-je avec gentillesse malgré tout mon émoi de me retrouver au beau milieu de la Terre du milieu.
-- Mon trésor est une façon à nous de nous parler. Nous nous parlons ainsi pour mieux nous comprendre.

Plus cette conversation avançait et plus je m’enlisai dans les méandres de ce dialogue impromptu, sous terre, dans les bas-fonds de la ville de New York. Le tunnel me sembla affreusement noir, inextricable. Je trouvai extraordinaire de tomber sur une amie au détour de ce cauchemar d’aller et retour en terre inconnue. Cependant, je ressentis mon petit doigt s’agiter… Quelque chose au creux de mon cœur, un écho étrange issu de ce labyrinthe me disait que je devais me méfier de ces lieux, des inconnus rencontrés par hasard.

-- Mon trésor, nous sommes heureuses de te retrouver. Je t’ai vu manier l’épée et disparaître subitement. Nous aimerions apprendre de tels prodiges… Disons lorsque nous nous serons sortis de cette impasse.
-- Je… Je ne sais trop comment expliquer ce genre d’exploit. Eh puis, oui. Nous nous amuserons de ces acrobaties lorsque nous sortirons d’ici. Allez, Gulumpa. Montre-moi la route sans trop de détours. Les chevaliers de l’Encrier et Grand-Pardessus doivent être livides d’inquiétude.
-- Avec honneur, mon trésor… Nous allons t’accompagner jusqu’où bon nous semblera. Je veux dire, jusqu’où tu voudras.
-- Bien. Gulumpa, tu es bizarre. Tu as bien changé depuis hier. Tu observes une diète… aux épinards ?
-- Épinards ? Jamais. Nous préférons le poisson ! Surtout celui qui se promène au fond du lac à la sortie de tunnel. Nous allons te guider vers cet Éden de la terre du milieu. Surtout si tu me parles de tous ces prodiges et magnificences qui couvrent ta route d’allers et retours.
-- Nous en reparlerons. Allez, en route !

Gulumpa voulut porter mon sac à dos et mon anneau. Décidément, cette pauvre dame s’avéra des plus aimables. Néanmoins, je refusai. Je ne voulais pas abuser de ces forces. Je lui offris plutôt de lui donner un coup de main avec son énorme sac mystérieux. Inutile, elle refusa net. Elle le laissa même dans un coin de ce gouffre prétextant qu’elle reviendrait le chercher… plus tard.

-- Nous avons quelques cachettes dans la ville. Nous savons devenir débrouillardes lorsque les temps deviennent difficiles. Nous sommes tels les écureuils. Nous avons plusieurs petits trésors cachés sous la terre du milieu, la Terre du roi.

Je renonçai à comprendre et me contentai de suivre mon guide vert dans le noir. Une odeur infecte émanait de partout. Le bruit des wagons devenait assourdissant. La marche était difficile. Je commençai à m’inquiéter pour la suite de ce détour. Le temps passait et je ne voyais point de lumière au bout de ce détour.

De temps en temps, un sifflement aigu se propageait dans le tunnel. Quelques bruits incongrus suivaient le murmure suspect. Je ne parvenais pas à établir la source de la provenance de ces sons inconnus. Cette chanson de geste me parut indéfinissable, semblant provenir d’une sorte de machine, une voiture défectueuse ou quelque chose du genre. Je me concentrai sur la route de ce détour en essayant d’oublier cette musique angoissante.

Ce fut peine perdue. Les murmures devinrent de plus en plus intenses. J’entendis des sortes de pas dans le fond du tunnel, derrière moi. C’en était trop. Quelque personnage non fréquentable nous suivait… Je stoppai la marche et brandis mon épée !

-- Ohé ! Vous, là-bas dans le détour. Sortez de ce gouffre. Je n’ai pas de temps à perdre avec vos manigances.

Rien. Personne. Silence.

Pire. Je me retournai pour m’assurer de la sécurité de Gulumpa. Rien. Mon guide n’était plus sur la route.

Pire ! le tapage infernal recommença au sud. Cette fois, des cliquetis de toutes sortes se firent entendre. Des sifflements tonitruants résonnèrent autour de moi sans détour dans le détour du retour du roi des détours. Au secours !

À suivre…

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1. Illustration : Michael Hague. Les Hobbit ou histoire d’un aller et d’un retour.





Commentaires

  1. Nous aimons beaucoup ces personnes qui s'expriment à la première personne du pluriel.

    Récit pneumatique : Un air de vérité contenu dans cet étrange caoutchouc littéraire et extensible. Bravo! Je reste votre lecteur fidèle.

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