Il était un encrier, quelques histoires au long cours à raconter…
Au début du mois d’octobre 1925, la maison de retraite Saint-Benoît internait plusieurs patients, surtout ceux que l’on ne pouvait accueillir à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu. Des hommes que l’on avait jugés inaptes à la liberté. Le diagnostic était irrémédiablement le même pour la plupart de ces malheureux : débile profond. La majorité de ces résidents, ces gens différents que l’on étiquetait comme étant des malades mentaux entraient dans cette triste maison de retraite, un jour de tristesse, pour y finir tristement leurs jours…
Tristes étaient les jours étranges des étrangers à la maison de la triste retraite. Tristes étaient les rêves étranges des étrangers à la maison des tristes rêves.
Nelligan avait vingt ans lorsqu’il entra dans cet asile pour aliénés. Dès 1899, il fut considéré comme complètement fou par une armée de spécialistes et interné sans espoir de guérison. Il fut condamné à la réclusion dans cette triste maison aux vitres sans jardin de givre pour la liberté d’expression. Le poète enferma ses rêves dans un rêve enclos…
Étranges étaient les rêves de l’étranger Nelligan. Étrange était le remède. La médication était radicale : poésie interdite au poète sous toutes conditions.
La romance était sans nuance. La romance des mots du poète était prisonnière du givre. Loin étaient les jours heureux et les nuits folles à écrire les vers de la vie de Bohême d’un homme fou de liberté. Loin était la gloire du poète de La romance du vin. L’encrier était vide, le papier interdit, la plume disparue…
Nelligan n’écrivait plus. Le poète ne parlait plus. Le givre ne chantait plus sa douce mélodie sur la vitre sans givre de la triste maison du triste équilibriste des sonnets. Le quatrain était vain et la romance sans vin.
Nelligan avait vingt ans lorsque le temps lui vola son vin.
Heureusement, la poésie est une dame discrète qui sait se faufiler dans les âmes sans faire de bruit. Lorsque les minuits sonnent à l’horloge austère du sévère monastère des âmes perdues, la poésie des rebelles se glisse en silence dans les dortoirs de ceux que l’on oublie pour mieux avoir la paix. La poésie s’éveille en toute liberté dans le cœur et l’esprit des poètes muselés et vient dessiner du givre dans les vitres secrètes des malheureux pensionnaires.
Pour Nelligan, l’apogée de la poésie, le sommet du sonnet apparaissait surtout vers une heure du matin. Depuis son internement, personne ne le soupçonnait d’inventer des rimes sous la couverture de la nuit triste. Nul ne savait qu’Émile cachait encre, papiers et plumes sous les plumes… Le rêve était interdit dans la triste maison de retraite. Nul ne soupçonnait le poète de poursuivre ses rêves dans ses rêves.
Heureusement, la poésie est une dame rebelle…
À l’insu de tous, Nelligan éveillé rêvait d’un rêve profondément rêvé dans ses rêves les plus profonds.
Au début du mois d’octobre 1925, Le OneO’clockDream n’appartenait qu’à Nelligan et…
À suivre…
Au début du mois d’octobre 1925, la maison de retraite Saint-Benoît internait plusieurs patients, surtout ceux que l’on ne pouvait accueillir à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu. Des hommes que l’on avait jugés inaptes à la liberté. Le diagnostic était irrémédiablement le même pour la plupart de ces malheureux : débile profond. La majorité de ces résidents, ces gens différents que l’on étiquetait comme étant des malades mentaux entraient dans cette triste maison de retraite, un jour de tristesse, pour y finir tristement leurs jours…
Tristes étaient les jours étranges des étrangers à la maison de la triste retraite. Tristes étaient les rêves étranges des étrangers à la maison des tristes rêves.
Nelligan avait vingt ans lorsqu’il entra dans cet asile pour aliénés. Dès 1899, il fut considéré comme complètement fou par une armée de spécialistes et interné sans espoir de guérison. Il fut condamné à la réclusion dans cette triste maison aux vitres sans jardin de givre pour la liberté d’expression. Le poète enferma ses rêves dans un rêve enclos…
Étranges étaient les rêves de l’étranger Nelligan. Étrange était le remède. La médication était radicale : poésie interdite au poète sous toutes conditions.
La romance était sans nuance. La romance des mots du poète était prisonnière du givre. Loin étaient les jours heureux et les nuits folles à écrire les vers de la vie de Bohême d’un homme fou de liberté. Loin était la gloire du poète de La romance du vin. L’encrier était vide, le papier interdit, la plume disparue…
Nelligan n’écrivait plus. Le poète ne parlait plus. Le givre ne chantait plus sa douce mélodie sur la vitre sans givre de la triste maison du triste équilibriste des sonnets. Le quatrain était vain et la romance sans vin.
Nelligan avait vingt ans lorsque le temps lui vola son vin.
Heureusement, la poésie est une dame discrète qui sait se faufiler dans les âmes sans faire de bruit. Lorsque les minuits sonnent à l’horloge austère du sévère monastère des âmes perdues, la poésie des rebelles se glisse en silence dans les dortoirs de ceux que l’on oublie pour mieux avoir la paix. La poésie s’éveille en toute liberté dans le cœur et l’esprit des poètes muselés et vient dessiner du givre dans les vitres secrètes des malheureux pensionnaires.
Pour Nelligan, l’apogée de la poésie, le sommet du sonnet apparaissait surtout vers une heure du matin. Depuis son internement, personne ne le soupçonnait d’inventer des rimes sous la couverture de la nuit triste. Nul ne savait qu’Émile cachait encre, papiers et plumes sous les plumes… Le rêve était interdit dans la triste maison de retraite. Nul ne soupçonnait le poète de poursuivre ses rêves dans ses rêves.
Heureusement, la poésie est une dame rebelle…
À l’insu de tous, Nelligan éveillé rêvait d’un rêve profondément rêvé dans ses rêves les plus profonds.
Au début du mois d’octobre 1925, Le OneO’clockDream n’appartenait qu’à Nelligan et…
À suivre…
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1. Illustration. Émile Nelligan, adolescent. Collection Paul Wyczynski.
2. Émile Nelligan. Le chat Fatal. Poèmes autographes. Collection Nelligan-Corbeil
Bonjour Mireille
RépondreSupprimerBien belle histoire
oui
bien belle même si
et même si encore
les vies qui entourent ces personnages ou réels aprentis des mondes, ne sont ni marrantes ni heureuses
c'est ce qu'ils créent à l'intérieur et laisse se communiquer à l'extérieur qui tient là toute l'importance.
Merci de faire partager ça,
même si je crois que je ne l'exprime pas tout à fait comme je le voudrais,
je découvre ce "Nelligan" et c'est bien ;)
Amitiés
Cher Eipho,
RépondreSupprimerComme toujours, tes commentaires et tes passages sur mes pages de carnets sont pertinents et importants.
Tu vois, pour nous, Nelligan est l'un des plus grands poètes du Québec. À l'image de Baudelaire et de Rimbaud, il est un de nos fiers représentants de la rime, du symbolisme.
C'est un peu le Che Guevara de notre poésie. Une icône pour les rebelles, surtout les adolescents.
Il est important de le faire vivre...
Nous avons tendance à oublier qu'il est moins connu ailleurs...
Merci!
J'ai ressenti beaucoup d'émotions en vous lisant.
RépondreSupprimerC'est comme si je ressentais en moi toute l'injustice d'une telle situation. Revivre ces pages à travers vous, à travers vos mots, c'est une belle occasion de voyage.
Je réserve une place ici, une place pour deux: mon coeur et moi. Merci d'ouvrir un si beau livre, même s'il évoque une situation d'une tristesse sans nom.
Je suis d'accord avec vous, Nelligan est un de nos plus grands poètes. Il fait partie de notre histoire. C'est aussi un symbole. Longtemps, on a voulu imposer des chaînes à l'expression du peuple que nous sommes.
>Jackss: Vos mots sont également chargés d'émotions et ils me touchent énormément.
RépondreSupprimerNelligan est effectivement un symbole, un génie de la poésie d'ici.
Nous avons accès à la majorité de son oeuvre. Cependant, je constate avec tristesse que nous possèdons peu d'informations sur son existence à la suite de son internement. Les photos sont très rares. Nous connaissons surtout l'image de cet adolescent aux yeux rêveurs. Une partie de sa légende réside peut-être dans ce regard mélancolique, mystérieux.
Je ne prétends à rien de précis dans ce conte. Les contes de l'encrier me permettent d'imaginer histoires et métaphores rendant hommage à certains personnages que j'estime énormément.
Je souhaite que ce conte plaise à votre coeur...
Et que la poésie de Nelligan fera partie de vos rêves...
Merci!
ô oui ! quelle belle idée Mademoiselle M., que de lui faire faire du bonheur, des mots, des rimes à ce bel être humain. Comme il sont méchants ces fous-psy de l'époquue, quel drame, quelle pathétique réclusion. terrible. n'ai même pas osé voir le film qu'on a fait sur sa vie, tellement je souffre de ce silence qu'on lui imposa.
RépondreSupprimertouchant. vraiment. je ne sais pas si c'est la fatigue du lundi matin (i hate mondays) mais j'ai vraiment été interpellé par ton texte.
RépondreSupprimerje n'avais jamais réalisé à quel point la liberté de nelligan avait été amputée. que la poésie lui était interdite et qu'il devait écrire en cachette. au moins on a permis à aquin d'écrire lorsqu'il a été interné et on sait ce qui en est ressorti (prochain épisode).
je m'en vais cherché ma version des poésies complètes que ma mère m'avait offerte lors de ma graduation du 5e secondaire, il y a bien longtemps déjà.
je n'en suis qu'au 3e épisode du One O'Clock Dream, je lirai les autres... en cachette :)
Nulle tristesse. Ce sont les autres qui étaient enfermés dehors.
RépondreSupprimercool XD
RépondreSupprimerLes mots sont ce qui permet de vivre, et cela Nelligan l'avait compris avant tout le monde. Et c'est pour ça qu'on lui a coupé les ailes d'un coup sec. Alors qu'Icar était si près du soleil, la cire fondit et il s'éloigna sombrant dans la stratosphère de se monde indigne de son talent et aveugle à ses sentiments... Comme j'aurais aimé le connaître...
RépondreSupprimerBonsoir Melanie,
RépondreSupprimerComme vos mots s'envolent bien... tel un jardin de givre.
La poésie de Nelligan traverse les murs de l'indifférence. Son talent demeure soleil.
Merci de votre commentaire.