La rentrée des mots 3



Je déteste la politique! C’est un véritable scandale tout ce que mes adversaires, les partisans de la petite G, peuvent inventer pour gagner des points contre les fidèles de mon clan! Qui plus est, tout le monde se fout du boisé de mademoiselle! Il n’y a plus aucun respect pour la culture de la rentrée des mots ni pour la verte nature.

Rien ne va plus dans mes samedis matins lents que j’aime tant. Tout doit aller vite, toujours plus vite ! Toutes les routes doivent devenir des autoroutes sinon c’est la banqueroute. C’est le progrès apparemment. Du moins, c’est le slogan de Miss G.

Assise sur mon rocher préféré, celui qui domine le marais de mon boisé en voie de disparition, je fais la grève de ces élections du diable qui ne pense qu’à une seule et unique chose : Le pouvoir de la route du progrès !

Samedi matin. Seule avec Cathy-chien dans mon boisé adoré, je fais la grève de la guerre des tranchées sans quartier. Je boude la distribution des tranches de beurre d’arachides offertes en guise de déjeuners-bénéfices aux électeurs du quartier au pied de mon arbre sacré. Je fais la tête au discours improvisés dans les salons littéraires ou de coiffure du quartier afin d’amasser quelques sous pour la caisse électorale, soi-disant en banqueroute, du clan des Chevaliers de l’encrier. Je fais la moue à toutes ces bêtises de courses à la tête de mon clan qui ne servent qu’à une seule et unique chose : Détruire les espaces verts de mon quartier et manipuler la démocratie de la rentrée des mots de Nouveau-Bordeaux.

Je fais la grève pour un temps. Un moment d’arrêt dans cette folie de discours de mots éphémères qui oublie de dire les vrais maux des mots. Pour ce samedi, du moins, je prends une pause dans le bois des vrais mots. Mademoiselle a ras-le-bol de se lever aux aurores pour cuisiner des biscuits électoraux à distribuer dans le quartier afin de dire les maux de l’histoire et d’éveiller les mots de la conscience. Mine de rien, grâce à tous ces branles bas de combats politiques, je fais des progrès en arithmétique. Je sais désormais compter en terme de biscuits nécessaires à tous les problèmes qui se proposent sur la route : Un devoir de grammaire ; minimum de 24 biscuits requis et 30 minutes de cuisson. Un devoir de géographie : minimum de 36 biscuits mon kiki pour illustrer le mal vert, une heure de cuisson et de réflexion. Désormais, le sort de la planète de ma cour se calcule sous forme de biscuits à offrir sous forme de pots de vin aux gamins de Nouveau-Bordeaux.

Ras-le-bol de toute cette campagne électorale ridicule teintée de biscuits aux pépites de chocolat au sujet de ma couronne de présidente du clan. Du diable la guillotine de la petite G et de ses acolytes. Mon boisé chéri vaut bien plus que toutes ces couronnes d’or vert…

La petite G fait tout un tabac avec ses histoires de progrès dans le quartier. Moi, j’en ai rien à foutre de cette nouvelle route qui pourrait mettre en l’air tous mes rêves de bonheur à jouer pendant des heures et des heures avec les grenouilles, les rats musqués, les marmottes, les ratons laveurs, les renards et les oiseaux…

J’avais un rêve… Mais la guillotine du progrès de l’adversaire risque de me couper l’herbe verte qui fleurissait dans ma rentrée des mots.

Samedi matin. Pendant que les membres du clan qui me sont encore fidèles bouffent mes biscuits dans mon sous-sol et peaufinent la tournée électorale prévue pour l’après-midi, je fais la grève des rêves. C’est une petite pause afin de mieux revenir sur le sentier de la guerre des mots. Les mots. L’arme que j’ai choisie pour combattre le pouvoir ridicule de la machine infernale du progrès. Ce progrès qui veut construire des espaces verts vers le progrès en détruisant et mettant du noir sur des espaces verts.

Samedi matin redevenu lent. Je fais une pause méditative sur mon rocher indien avec Cathy-chien. C’est pour mieux revenir me battre pour ce rêve que j’ai dans le cœur et dans la tête… Non. La présidente du clan en exil n’a pas encore dit son dernier mot.

En attendant, j’écoute la musique des bohémiens qui se sont installés dans le boisé, près de la petite rivière et du marais. J’entends la musique de celui qui à les yeux noirs de Django. Il joue de la guitare comme un roi. Il a les yeux noirs de celui qui sait voir la nature par les yeux du cœur… Et pourtant, il est déraciné, sans papiers, sans quartier. Il est une espèce en voie de disparition comme mon boisé. Et pourtant, il sourit du sourire de celui qui a tout…

Il avait un rêve, j’imagine…

À l’aube de la rentrée des mots de mes dix ans, j’avais un rêve, j’imagine…

Samedi matin. Ça y est, mademoiselle est prête pour l’arène des mots. Sonnez tambours, messieurs les troubadours ! Sortez de vos plus hautes tours, mesdames, dans vos plus beaux atours ! L’heure est aux beaux discours, aux fabuleux débats et tout le tralala qu’il faut imaginer afin de se battre contre la route de l’éphémère bonheur de l’autodestruction verte ! Hissez les pancartes de la rentrée des mots ! Allons défendre le cœur vert de Nouveau-Bordeaux ; le boisé du quartier.

Je ne laisserai personne guillotiner le bois du rêve des mots.

À suivre…

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1. Illustration: William Bouguereau.





Commentaires

  1. Words Cream Battle

    Inaugural le ruban,
    Peaux de bananes,
    Les mots glissent,
    Et la crème chant,
    Fait mousser les écoutilles,
    Et les mots se dévorent,
    A la rentrée des rêves.

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  2. Vos mots me touchent...

    Merci de votre délicatesse.

    Il y a un concours de corde à danser sur les mots dans l'arène des mots. Venez danser avec nous!

    Merci!

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  3. La lecture de "La rentrée des mots" m'a tellement enchanté par sa construction, ses images, que ce vers me sont venues naturellement.

    Merci pour l'invitation sur la cordée des mots dansants.

    Bien à vous.

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