Le huit-reflets de Whitechapel 7


Un morceau de mousseline, un peigne, une enveloppe déchirée, deux pilules et trois bagues disparues…

On venait à peine de ranger le chariot pour les funérailles de Mary Ann Nicholls que déjà les policiers durent le réutiliser afin de transporter la troisième victime de l’homme aux huit-reflets de Whitechapel.

Le 8 septembre 1888, à six heures du matin, le corps d’Annie Chapman fut découvert dans la cour du 29, Hanbury Street. Une fois de plus, le carnage était incroyable et témoignait d’une violence incommensurable. Le meurtrier avait égorgé sa victime avec force et rapidité. Il avait mutilé l’estomac et procédé à des extractions démentielles sur les intestins, l’utérus et le bas-ventre. L’homme agença une violation démesurée de l’intimité de cette pauvre femme dans la pénombre. Le résultat était tragique. À la limite du supportable. Et pourtant, toutes les possessions d’Annie avaient été soigneusement déposées à ses pieds comme un hommage sarcastique. L’outrage était complet. L’homme semblait écrire en lettres de sang sur le corps de cette pauvre fille de la rue :

-- Ha ! Ha ! Tu n’as rien ! Tu n’es rien… Va au diable !

Annie Chapman avait quarante-cinq ans. Elle avait perdu son mari, ses enfants, sa chambre pour dormir… Elle n’avait plus rien. Condamnée à se prostituer pour se nourrir, se vêtir et se loger dans les hospices minables de Spitalfields ou de Whitechapel en exagérant parfois les rasades de rhum et de gin afin de noyer sa misère. Elle errait dans les quartiers les plus dangereux de l’East End. Elle souffrait de plusieurs maux, dont la tuberculose et probablement la syphilis. La nuit du 8 septembre, elle était faible et avait du mal à se déplacer. L’ancienne marchande de broderie et de fleurs avait faim. Le ventre vide, elle se dirigeait vers le marché de Spitalfields…

On entrait dans le 29 Hanbury comme dans un moulin. Cette résidence accueillait plus de seize familles pauvres au moment où Annie y rencontra l’homme aux huit-reflets. L’accès à la cour arrière était toujours libre. La porte était ouverte. Une fois de plus, tous ces gens dormaient ou se préparaient pour le jour du marché. Tous ces gens étaient là sans se douter le moins du monde qu’un dément accomplissait une œuvre de barbarie sous leurs fenêtres. Tous dormaient en paix, sauf quelques passants qui se rendaient au marché.

Curieusement, il y eut quelques témoins de la rencontre d’Annie avec un inconnu. Les faits étaient tellement contradictoires que mon ami Sherlock Holmes décida de les rejeter. Le fils de la propriétaire, John Richardson affirma s’être rendu à l’arrière de la maison vers 4 h 30 afin d’y effectuer les vérifications d’usage et de retirer une languette de cuir qui le gênait dans sa chaussure. Il jura qu’Annie n’y était pas. Moins d’une heure plus tard, on retrouvait la pauvre dame éventrée au pied des marches où il s’était assis pour réparer sa chaussure. De plus, une dame déclara avoir aperçu Annie converser avec un homme à 5 h 30 exactement à l’arrière du 29, Hanbury Street. L’homme lui sembla de taille moyenne, âgé de quarante ans et portait des vêtements convenables. Cinq minutes plus tard, Albert Cadosh, voisin de la résidence de madame Richardson déclara avoir entendu une conversation entre un homme et une femme dans la cour. Puis, il jura avoir entendu un objet tombé près de la clôture en bois…

Annie Chapman dormait, le ventre vide… ses petits trésors à ses pieds.

Annie Chapman se rendait au marché de Spitalfields…

L’homme au huit-reflets de Whitechapel aussi…

À suivre…

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1. Illustration : Sidney Paget.
2. Adaptation libre de l’auteure d’après l’œuvre de Sir Arthur Conan Doyle.

Commentaires

  1. Arrivé ici par hasard, Je promets de revenir.

    J'ai déja laissé un commentaire sur le journal du Capitaine Bonhomme. J'ai placé ce blogue dans ma liste de blogues favoris. Ce n'est que le 3è.

    Alors si quelqu'un doute de ma parole, les sceptiques seront confondus.

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  2. //On venait à peine de ranger le chariot pour les funérailles de Mary Ann Nicholls que déjà les policiers durent le réutiliser afin de transporter la troisième victime de l’homme aux huit-reflets de Whitechapel.//

    (!)

    //-- Ha ! Ha ! Tu n’as rien ! Tu n’es rien… Va au diable !//

    Il y a un passage de la Bible qui donnait déjà cet idée: Celui qui n'a rien n'aura rien (il ira au Diable!) Mais je peine à retrouver ce passage...

    L'idée inverse est exprimée dans le récit d'un r^eve figurant dans le premier roman de Harry Mathews, CONVERSIONS: Seuls les riches entrent au Paradis.

    // L’ancienne marchande de broderie et de fleurs avait faim.// Elle a toujours faim m^eme de nos jours...

    //Annie Chapman dormait, le ventre vide… ses petits trésors à ses pieds.// Comme un dragon.

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