Contes de l'encrier: Marcel et le mot perdu 11


Marcel arriva chez lui fort tard et de fort mauvaise humeur. Les destriers du maître du temps le déposèrent devant la porte et disparurent dans la nuit, au clair de lune. Irrité, épuisé, il monta dans l’ascenseur et sanglota. Il avait échoué à la troisième épreuve. Il n’avait pas réussi à recueillir la troisième lettre d’or auprès d’Albertine. Le maître du temps lui refusait le mot de la fin avant la fin.

Dès son arrivée dans l’appartement, Céleste s’empressa de lui demander le récit des évènements. Marcel lui résuma la sombre aventure, la récolte de la deuxième lettre, puis l’échec de la troisième quête. Il déposa les deux enveloppes sur la table de travail. Le mot était incomplet. C’était la fin avant la fin. Le temps leur sembla bien ingrat.

Le mot de la fin demeurait perdu dans le temps.

Malgré tout, Marcel se mit au travail. Malgré sa tristesse, il défia le maître du temps et compta jusqu’à trois. Et hop! Il prit sa plus belle plume, ouvrit l’encrier. Il taquina l’encre, essuya doucement le précieux outil sur le papier et se mit à écrire dans les cahiers…

Marcel n’avait pas remarqué le visage illuminé de Céleste. La dame de compagnie, la chère collaboratrice avait découvert une petite lettre dans la troisième lettre. Une petite lettre de rien du tout, mais qui voulait tout dire. La lettre « N ». Marcel fut stupéfait. Comment se faisait-il qu’il n’avait pas remarqué cette merveille? Il avait cru son voyage dans le temps inutile. Et pourtant, la troisième lettre d’or était là. Il avait oublié de bien regarder à l’intérieur. La lettre était toute petite. Un véritable petit jardin extraordinaire en minuscule.

Marcel aligna les trois lettres d’or et contempla avec délice le merveilleux mot de la fin avant la fin : F I N.

Longtemps, Marcel écrivit dans la nuit. Tant et si bien, qu’au petit matin, à l’aube, il écrivit le mot « fin ».

Marcel se coucha de bonne heure et de fort bonne humeur, pour longtemps et dans le temps.

Merci à vous qui avez suivi cette histoire.

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1. Illustration : James Jacques-Joseph Tissot. The farewell. 1871



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Commentaires

  1. Dormez bien, Marcel... Sur les ailes du temps.

    Chut.

    Une brise est passée...

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  2. Cette brise est douce au coeur du voyageur du temps perdu.

    Les ailes du temps l'emportent jusqu'au moulin du temps retrouvé.

    Merci dame Gaëna.

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  3. J'arrive toujours en retard, mais je n'ai pas oublié qu'il me restait à lire le onzième épisode de cette amusante aventure de Marcel au pays du temps des trois lettres perdues. La petite lettre d'or m'a bien plu, mais puisque c'était celle de la fin, je vais me tourner vers vos prochains récits.

    Bravo!

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