Marcel reconnut le messager du Maître du temps. Il l’attendait à l’entrée du grand hôtel. Quelques palpitations au cœur lui rappelèrent l’importance de ce moment, du temps présent. C’était la troisième nuit, la troisième quête. Désormais, tout le temps était réservé à l’épreuve de la dernière lettre d’or. La lettre indispensable qui devait compléter le mot de la fin perdu dans le temps avant la fin.
Le Ritz était plein à craquer. À l’évidence, un bal de nuit se donnait dans le grand salon. Les invités doublèrent le voyageur du temps sans se soucier de sa présence. Ils se précipitaient à l’intérieur en riant de tout cœur. Marcel ressentit de légers malaises. Il avait l’habitude de fréquenter ce restaurant à des heures tardives afin de pouvoir se reposer tout en prenant un léger repas. Tous ces gens l’intimidaient. Il ressentit quelques étouffements, fit mine de reculer… puis, il se maîtrisa fortement. Il devait foncer. C’était la dernière nuit, la dernière épreuve.
Le messager l’invita à entrer dans la quête :
-- Bonsoir, Marcel. N’aie pas peur. Ce soir de pleine lune est exquis. Cette nuit sera douce et inoubliable. Cette nuit est pour toi. Allez-viens. Ne faisons pas attendre tes invités.
-- Mes invités… Mais, je ne connais pas ces gens.
-- Si, tu les connais. Allez-viens. Regarde-les bien… Tous ces gens sont là pour toi, Marcel.
-- Bien, je comprends. C’est une ruse du Maître du temps. Et où est-il celui-là? Il pourrait se montrer un peu.
-- Marcel, je suis le Maître du temps. Je suis ici pour te diriger dans la troisième épreuve. Tu devras maîtriser ton jardin intérieur. Tu devras faire la paix avec tes personnages…
-- Mes personnages… Je crois que je comprends. Tous ces gens sont issus de mon imagination.
-- Et ils ne te voient pas. Ils ne peuvent pas te voir, Marcel.
-- Pourquoi donc? Serais-je déjà mort?
-- En quelque sorte, oui. Ils fêtent ta disparition et leur libération. Tu devras les laisser vivre, Marcel. Tu devras les laisser partir dans leur monde. Tu devras leur permettre de voler de leurs propres ailes.
-- Non! C’est impossible, je n’ai pas terminé leurs histoires. Regardez. Je vois Swann et Charlus, qui discutent de ce côté. Je veux leur parler. Et puis, oui! Je les reconnais. Ils sont tous présents. J’aperçois les Guermantes et les Verdurin. J’entends les voix d’Elstir et de Saint-Loup s’entretenir de musique. Je veux approfondir le sujet avec eux.
-- C’est impossible. Ils ne te voient pas. Ils ignorent ta présence.
-- Non! Impossible! Je ne peux pas les laisser se disputer entre eux de la sorte. Je ne veux pas les laisser tomber. Ce sont mes amis après tout.
-- Tous ces amis fêtent ta naissance. Tu dois tout simplement contempler ton œuvre, ton jardin secret et puis… partir. Allons, il est temps à présent. Viens, nous partons pour la troisième lettre.
-- Non… je vois Albertine, là-bas, assise à ma table de toujours. Elle est revenue. Je veux lui dire quelques mots.
-- À ta guise, Marcel…
Il se précipita vers la table, saluant rapidement au passage, tous ses amis, ceux à qui il avait donné vie et qui célébraient leur liberté. Il tentait de les toucher, de les prendre dans ses bras. En vain. Les personnages ne le voyaient pas, ne l’entendaient pas.
Marcel arriva à la table de la belle, tout essoufflé. Malgré tous ses efforts, il était trop tard. Albertine avait disparu.
La troisième lettre scellée était sur le couvert d’Albertine. Délicatement, il décacheta le trésor. La lettre était vide.
À présent, il était seul dans son jardin intérieur, seul pour la fin de l’histoire.
C’était un soir de pleine lune d’été… Marcel avait échoué dans la quête de la troisième lettre d’or. La troisième lettre d’un mot perdu dans le temps.
À suivre…
______________
1. Illustration: James Jaques-Joseph Tissot. Portrait de Katleen Newton. 1877.
Le Ritz était plein à craquer. À l’évidence, un bal de nuit se donnait dans le grand salon. Les invités doublèrent le voyageur du temps sans se soucier de sa présence. Ils se précipitaient à l’intérieur en riant de tout cœur. Marcel ressentit de légers malaises. Il avait l’habitude de fréquenter ce restaurant à des heures tardives afin de pouvoir se reposer tout en prenant un léger repas. Tous ces gens l’intimidaient. Il ressentit quelques étouffements, fit mine de reculer… puis, il se maîtrisa fortement. Il devait foncer. C’était la dernière nuit, la dernière épreuve.
Le messager l’invita à entrer dans la quête :
-- Bonsoir, Marcel. N’aie pas peur. Ce soir de pleine lune est exquis. Cette nuit sera douce et inoubliable. Cette nuit est pour toi. Allez-viens. Ne faisons pas attendre tes invités.
-- Mes invités… Mais, je ne connais pas ces gens.
-- Si, tu les connais. Allez-viens. Regarde-les bien… Tous ces gens sont là pour toi, Marcel.
-- Bien, je comprends. C’est une ruse du Maître du temps. Et où est-il celui-là? Il pourrait se montrer un peu.
-- Marcel, je suis le Maître du temps. Je suis ici pour te diriger dans la troisième épreuve. Tu devras maîtriser ton jardin intérieur. Tu devras faire la paix avec tes personnages…
-- Mes personnages… Je crois que je comprends. Tous ces gens sont issus de mon imagination.
-- Et ils ne te voient pas. Ils ne peuvent pas te voir, Marcel.
-- Pourquoi donc? Serais-je déjà mort?
-- En quelque sorte, oui. Ils fêtent ta disparition et leur libération. Tu devras les laisser vivre, Marcel. Tu devras les laisser partir dans leur monde. Tu devras leur permettre de voler de leurs propres ailes.
-- Non! C’est impossible, je n’ai pas terminé leurs histoires. Regardez. Je vois Swann et Charlus, qui discutent de ce côté. Je veux leur parler. Et puis, oui! Je les reconnais. Ils sont tous présents. J’aperçois les Guermantes et les Verdurin. J’entends les voix d’Elstir et de Saint-Loup s’entretenir de musique. Je veux approfondir le sujet avec eux.
-- C’est impossible. Ils ne te voient pas. Ils ignorent ta présence.
-- Non! Impossible! Je ne peux pas les laisser se disputer entre eux de la sorte. Je ne veux pas les laisser tomber. Ce sont mes amis après tout.
-- Tous ces amis fêtent ta naissance. Tu dois tout simplement contempler ton œuvre, ton jardin secret et puis… partir. Allons, il est temps à présent. Viens, nous partons pour la troisième lettre.
-- Non… je vois Albertine, là-bas, assise à ma table de toujours. Elle est revenue. Je veux lui dire quelques mots.
-- À ta guise, Marcel…
Il se précipita vers la table, saluant rapidement au passage, tous ses amis, ceux à qui il avait donné vie et qui célébraient leur liberté. Il tentait de les toucher, de les prendre dans ses bras. En vain. Les personnages ne le voyaient pas, ne l’entendaient pas.
Marcel arriva à la table de la belle, tout essoufflé. Malgré tous ses efforts, il était trop tard. Albertine avait disparu.
La troisième lettre scellée était sur le couvert d’Albertine. Délicatement, il décacheta le trésor. La lettre était vide.
À présent, il était seul dans son jardin intérieur, seul pour la fin de l’histoire.
C’était un soir de pleine lune d’été… Marcel avait échoué dans la quête de la troisième lettre d’or. La troisième lettre d’un mot perdu dans le temps.
À suivre…
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1. Illustration: James Jaques-Joseph Tissot. Portrait de Katleen Newton. 1877.
Surprise! Pas de lettre! C'est dommage pour Marcel, mais bien pour nous, parce que je pensais savoir...
RépondreSupprimerEt je préfère bien sûr ne pas savoir.
Rencontrer ses propres personnages? Si seulement c'était possible... Je donnerais vie à une... enfin.. vous voyez ce que je veux dire... la soeur d'Albertine?
Une lettre disparue...
RépondreSupprimerAlbertine disparue...
Le temps retrouvé serait-il de retrouver ses personnages imaginaires afin de mieux inventer la réalité?
Je veux bien vous inventer une soeur pour Albertine.
Évidemment, elle s'appellera Madeleine. M pour les intimes...
Je me concentre et reviens sous peu.