Contes de l'encrier: Marcel et le mot perdu 3


Les quatre destriers se mirent à galoper dans tout Paris. Marcel tenta de suivre la cavale par les fenêtres malgré les nausées qui l’envahissaient, mais ce fût peine perdue. Impossible de deviner la destination du fiacre mystérieux. Il se cramponna tant bien que mal sur le siège périlleux, puis attendit la suite des événements avec angoisse.

Soudainement, le fiacre stoppa net. La porte du bolide s’ouvrit comme par enchantement. Le brouillard se dissipa autour des voyageurs du temps, laissant apparaître un paysage bien étrange. Marcel se frotta les yeux plusieurs fois et tenta de mieux distinguer ces lieux plutôt inhospitaliers. Il demeura muet de stupeur. Il ne reconnaissait rien autour de lui. Seul un bruit de vague, au loin, lui sembla familier.

Marcel, tremblant de peur, reçut le fameux petit cahier noir des mains du conducteur de fiacre. Il se résigna à lire les directives malgré toutes ses nausées, ses angoisses et ses crampes d’estomac. Le Maître du temps lui ordonna la première épreuve devant lui mériter une lettre d’or: « Vaincre les maux de la mer… »

Il referma le petit cahier, leva les yeux au ciel en guise de désespoir et aperçut, dans toute sa splendeur, la voilure tribord amures du plus merveilleux voilier du monde. Il ne put expliquer ce phénomène. Il se retrouva à bord du navire, en pleine mer. Il avait toujours aimé la mer. Enfin, voir la mer et non naviguer sur les océans. En réalité, il avait terriblement peur de la mer, de se noyer, de se perdre dans les vagues.

Au loin, une plage se dessinait dans l’aube naissante. C’était Balbec…

Un enfant nageait près des écueils. Marcel le vit s’amuser comme un poisson dans l’eau, puis plonger vers quelques découvertes secrètes. L’enfant demeura longtemps sous l’eau. Les nausées de Marcel s’accentuèrent. Il comprit soudainement que cet enfant n’était autre que lui nageant de toutes ses forces pour vaincre ses peurs…

Une voix retentit sur le pont du voilier :

-- Monsieur, s’il vous plaît! Un homme à la mer!
-- Merci, monsieur! Aux manœuvres, matelots! Cap sud-sud-est!

Marcel enleva son haut-de-forme, sa cape et ses gants. Sans aucune hésitation, il se jeta dans la mer. Il tremblait de peur, ne savait pas nager et pourtant il avançait dans l’océan comme lorsqu’il manœuvrait la plume sur le papier.

Marcel voyageait sur une mer d’encre. Il ne voulait pas sombrer dans la mer. Il voulait réussir la première épreuve. Il ne voulait pas se perdre dans la mer. Il était déterminé à vaincre les maux de la mer.

C’était le printemps… Il avait rendez-vous avec un mot perdu dans l’enfance et dans le temps.

À suivre...
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1. Illustration : James Jacques-Joseph Tissot. La fille du capitaine.

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Commentaires

  1. Il faut patiner sur la mer.
    Patiner à mains nues.

    Mais Marcel a sans doute raison :
    Dans la mer d’encre, il faut nager
    Sans perdre de temps.

    ===

    jolie illustration.

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