Le nid des mésanges, encore une fois logées au creux d’un des ormeaux étêtés, ne s’est-il pas posé là pour que je souvienne d’une chienne bas-rouge qui perdait à grosse poignées son poil d’hiver ? Alors, deux couples de mésanges la suivaient, et c’est tout juste si elles n’épilaient pas, au profit de leurs nids, ma beauceronne…
Colette. De ma fenêtre.
Ça y est. Je suis de retenue. C’est la troisième fois cette semaine. Aucune étoile dans mon cahier. J’ai bien tenté de leur expliquer que je n’avais pas prémédité la destruction de mon manuel de mathématique dans la bataille au sommet de l’iceberg, mais… les adultes, vous savez. Bien public, alors je me suis mérité une retenue. Et puis, je ne savais pas que les chiens n’étaient pas admis à l’école. Alors, je leur ai précisé que Cathy-Chien était un animal bien élevé. Rien à faire : interdiction totale et absolue de faire entrer un quatre pattes dans la classe ; deuxième colle. Et puis, bon, je ne savais pas que l’observation des couples de mésanges est interdite à la récréation, alors… troisième colle.
Je déteste l’école.
L’école a pris les grands moyens afin de faire une écolière de moi. Enfin, c’est ce que les parents m’ont expliqué. Je devrais désormais faire quelques heures supplémentaires dans ce lieu qui ne m’intéresse pas. J’ai bien essayé de leur illustrer que j’avais des tas de choses à faire chez moi, comme lire la suite des aventures d’Huckleberry Finn, écrire mon journal, regarder tomber la neige par la fenêtre ; jouer aux chevaliers avec Cathy-Chien, les oiseaux et mon petit singe… Impossible ! Je suis épinglée !
L’école me colle des heures de colle !
Alors pour me faire apprécier ses heures supplémentaires susceptibles de me familiariser avec l’institution, mon professeur, une créative dame, a inventé une nouvelle façon d’appliquer les retenues : le dessin abstrait volontaire.
-- Regarde, M, ce n’est pas si terrible. Dessine ce que tu veux. Choisis les couleurs qui te plaisent. On peut essayer de s’amuser avec les formes, les teintes, me suggéra madame Lavande.
-- Je veux bien si cela peut vous faire plaisir. J’aime bien dessiner. Cependant, je préfère réaliser des croquis de mes amis dans la nature.
-- Bien… Je comprends.
Elle prit ses cahiers, ses crayons de couleur et engouffra le tout dans son énorme sac à surprises.
-- Allez, viens M. Nous avons rendez-vous avec les véritables couleurs de la vie.
C’est ainsi que les séquestrations abominables décrétées, les terribles retenues se déroulèrent à l’extérieur dans les bois, dans les rues, un peu partout dans le quartier. Nous nous promenions dans la nature. Nous dessinions les différents visages de mon quartier. Réels ou abstraits, ces portraits devinrent drôlement intéressants.
Je commençais à aimer un peu mieux les heures de colle…
À suivre…
________________
1. Illustration: Claude Monet. La Seine à Vetheuil. 1879.
Colette. De ma fenêtre.
Ça y est. Je suis de retenue. C’est la troisième fois cette semaine. Aucune étoile dans mon cahier. J’ai bien tenté de leur expliquer que je n’avais pas prémédité la destruction de mon manuel de mathématique dans la bataille au sommet de l’iceberg, mais… les adultes, vous savez. Bien public, alors je me suis mérité une retenue. Et puis, je ne savais pas que les chiens n’étaient pas admis à l’école. Alors, je leur ai précisé que Cathy-Chien était un animal bien élevé. Rien à faire : interdiction totale et absolue de faire entrer un quatre pattes dans la classe ; deuxième colle. Et puis, bon, je ne savais pas que l’observation des couples de mésanges est interdite à la récréation, alors… troisième colle.
Je déteste l’école.
L’école a pris les grands moyens afin de faire une écolière de moi. Enfin, c’est ce que les parents m’ont expliqué. Je devrais désormais faire quelques heures supplémentaires dans ce lieu qui ne m’intéresse pas. J’ai bien essayé de leur illustrer que j’avais des tas de choses à faire chez moi, comme lire la suite des aventures d’Huckleberry Finn, écrire mon journal, regarder tomber la neige par la fenêtre ; jouer aux chevaliers avec Cathy-Chien, les oiseaux et mon petit singe… Impossible ! Je suis épinglée !
L’école me colle des heures de colle !
Alors pour me faire apprécier ses heures supplémentaires susceptibles de me familiariser avec l’institution, mon professeur, une créative dame, a inventé une nouvelle façon d’appliquer les retenues : le dessin abstrait volontaire.
-- Regarde, M, ce n’est pas si terrible. Dessine ce que tu veux. Choisis les couleurs qui te plaisent. On peut essayer de s’amuser avec les formes, les teintes, me suggéra madame Lavande.
-- Je veux bien si cela peut vous faire plaisir. J’aime bien dessiner. Cependant, je préfère réaliser des croquis de mes amis dans la nature.
-- Bien… Je comprends.
Elle prit ses cahiers, ses crayons de couleur et engouffra le tout dans son énorme sac à surprises.
-- Allez, viens M. Nous avons rendez-vous avec les véritables couleurs de la vie.
C’est ainsi que les séquestrations abominables décrétées, les terribles retenues se déroulèrent à l’extérieur dans les bois, dans les rues, un peu partout dans le quartier. Nous nous promenions dans la nature. Nous dessinions les différents visages de mon quartier. Réels ou abstraits, ces portraits devinrent drôlement intéressants.
Je commençais à aimer un peu mieux les heures de colle…
À suivre…
________________
1. Illustration: Claude Monet. La Seine à Vetheuil. 1879.
Beau récit. Il fait réfléchir, il fait rêver. J’aimerais bien inventer une nouvelle école, mais où la construire sinon qu’au sein d’une nouvelle société qu’il faudrait aussi inventer.
RépondreSupprimerLe plus important est la relation entre les êtres humains deux par deux. Le professeur et l’enfant collé à l’école, et ces deux-là, leur équipe, quand ils sortent ensemble pour aller dessiner dans les bois.
Un jour, je passerai vous voir, et j’apporterai avec moi un carnet, deux carnets, et si vous le voulez bien nous irons au petit parc le plus proche pour y dessiner des abstractions volontaires, des abstractions voulues, des abstractions de désir, des désirs abstraits, tout ça dans une fête de branches d’arbres.
Trois ans plus tôt, j’ai jeté un coup d’oeil à l’école de mon enfance. Tout semblait plus petit que dans mes souvenirs.
//Aucune étoile dans mon cahier. //
Terrible ciel sans astre!
>Reading is Dangerous: Oui, je le veux. Je veux inventer une nouvelle école, une école dans les arbres.
RépondreSupprimerJ'adore les fêtes des feuilles de branches d'arbres.
Je vous dessine une école en fête de toutes les couleurs et...
trois étoiles dans votre cahier!
Merci de vos couleurs!