De mon cahier #1


Le « livre d’occasion », vieux avant l’âge, écorché et chaud, sa ficelle de brochage lui pendant au derrière, il est à vous, à moi, à tous. […] Ils sont reconnaissables. Jeunes pour la plupart, ils lisent debout, et debout se reposent d’une jambe sur l’autre.
Colette
. De ma fenêtre.

Je n’ai jamais aimé l’école. Je crois vous avoir déjà confié ce mystère. Cependant, je n’avais pas le choix. Je devais aller à la classe. Grandeur et misère d’une écolière…

De mon cahier d’école, il ne me reste presque rien, sinon quelques dessins conservés dans des petits écrins comme des butins de pirates. Je me souviens des ruses de Sioux utilisées par ma mère afin de me mettre en train pour ces dures journées de labeurs sur le banc des écoliers. Il n’y avait rien à faire : je n’aimais pas les jours de classe ; je préférais les jours de chasse littéraire à la campagne.

Évidemment, il y avait bien quelques bonheurs. Peut-être quelques livres à la bibliothèque empruntés pour le plaisir de découvrir d’autres routes. Mais ceux-ci ne renfermaient pas les secrets que je découvrais seule dans mes propres livres, en dégustant des tartines de confitures devant l’âtre, après l’école. Aussi, de temps en temps, mon père venait à la rescousse de mes déboires d’écolières et me faisait la lecture, histoire de me donner quelques leçons à sa façon. C’était sa manière à lui de me faire découvrir le monde. Il aimait tous les livres. Particulièrement ceux que l’on trouvait dans les comptoirs de collectionneurs de livres rares et anciens. Cependant, certains ouvrages, peu importe leurs provenances, revenaient plus souvent dans notre cercle. Ceux de Hugo, de Verne et surtout… de Colette.

Mine de rien, il me transportait dans un univers littéraire fascinant peuplé de contes, de légendes, de théâtre et de romans d’aventures. Je me délectais de ces lectures offertes par le comédien sur le coin de la table ou dans le sous-sol. Souvent, l’exercice se terminait dans un délire de rires ! Néanmoins, le but était atteint. Il me donnait le goût de lire, d’écrire… que ce soit sur les bancs de l’école ou dans un jardin de roses.

L’école me sourirait bien un jour.

De temps en temps, il faisait de cette aventure, une terrible dictée. Les mots extraordinaires se succédaient sur mon cahier d’exercices. Je ne me souviens pas de l’avoir vu corriger la chose. Ce n’était pas important à ses yeux. Je crois même qu’il offrait les feuilles ornées d’encre au feu de bois comme des petits poèmes d’enfants dispersés dans le vent pour les dieux et les muses des lettres.

De mon cahier, des histoires de Cathy-Chien, de Misérables, de Tour du monde prenaient leur envol. De mon cahier d’écolier à mon école, il n’y avait en somme que quelques histoires à raconter…

À suivre…


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1. Illustration: Claude Monet. Au jardin. 1875.

Commentaires

  1. C’est si bien écrit que c’est une histoire vraie, pas de doute.

    bravo!

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  2. Et oui, la pure vérité!

    Merci Reading!

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  3. Mireille, Mireille!

    «Il» te faisait la lecture, t'emmenait dans des pays lointains où tu voyageais en sécurité, gardée par sa force et son imaginaire... Quels souvenirs merveilleux. Quel honneur de les découvrir, lentement, comme on soulève le couvercle de la boîte aux trésors...

    Merci de nous offrir une part de cette mémoire, Mireille. Je suis touchée...

    Sourire.

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  4. >Gaëna: Au clair de la lune, mon amie Gaëna. Je prends la plume pour t'écrire un mot à l'encre de l'encrier magique.

    Le vent se lève, la rivière gronde, alors je me dépêche un peu. Nous , gens du vergas, on s'énerve lorsque dame nature s'éveille ...

    Le capitaine nous donnait le goût de la lecture, de l'écriture,de l'aventure et du plaisir! J'ai oublié de mentionner que je suis née en plein tournage en direct de l'émission L'île au trésor. Alors, il se peut que certains romans, des coffres au trésor, aient laissé plusieurs séquelles dans mon esprit aventurier. Nous gardions le perroquet et le petit singe de l'émission à la maison. Les deux compères se mèlaient souvent de nos séances de dictée de mots terribles.Je ne te dis pas tout le bonheur que j'avais avec ses animaux. Et puis, les séances de lectures et d'écritures se terminaient souvent par une improvisation au piano. Nous devions deviner la musique que le capitaine jouait! Quête impossible qui se finissait dans un fou rire épouvantable!!!

    Merci, Gaëna des Bois.
    Merci pour ta belle complicité.

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