Little Miss Delamer #8

J’avais été me promener au milieu de la nuit et revenais auprès de ma môme pour lui dire à quoi j’avais pensé en me promenant. Elle était debout, au milieu de la petite piaule obscure, avec un étrange sourire.
Jack Kerouac. Sur la route.

Le concours est terminé. Les invités quittent la salle. Duemille est sur la terrasse de l’hôtel. Dos à la mer, il attend mademoiselle M. Dos à la mer, le pianiste de l’océan attend sa Little Miss Delamer. M sort de sa loge, se précipite sur la terrasse. Les deux amis sont face à face…

-- Duemille, je… enfin, tu es là…
-- Mademoiselle M, je suis si heureux de vous voir, debout devant moi...
-- Duemille ! Espèce de… et puis non. Je suis si contente que tu sois venu au rendez-vous…
-- Si vous le permettez, je voudrais vous serrer dans mes bras, juste un moment, comme de vieux amis.
– Tu es mon ami le plus bizarre. Allez viens…
-- Yes ! Mademoiselle ! Je suis votre ami et je vous aime bien…
-- Tu m’as fait peur avec tous tes récits et tes promenades sur la route. Quel cinéma!
-- Je sais. Je suis désolé. Je ne sais pas très bien raconter les histoires sans vous faire pleurer. Je devrais me contenter de faire de la musique et de vous taquiner.
-- Duemille, tu es le meilleur conteur d’histoires du monde.
-- Vous êtes la plus fabulous des Little Miss Delamer de l’Amérique.
-- C’est de ta faute, toute cette comédie. Toute la tribu s’est mise de la partie. Nous avons créé cette fantaisie pour nous amuser. Pauvre Miss Chichi… Je crois que j’ai ruiné son univers avec cette pavane Delamer…
-- Vous avez fait un tabac. De la terrasse, j’ai savouré tout le spectacle. C’était une histoire wonderfull !
-- Une tempête océanique ! Et à présent, nous devons réaliser la dernière étape…
-- J’ai un peu peur.
-- Mais non. Il y a si longtemps que tu rêves à cet instant. Tout ce chemin. Allez, un peu de courage. Tu es tout près d’« Elle ». Tu dois la regarder en face…
-- Je voudrais, mais je n’ose pas…
-- Évidemment, tu as peur. Alors, je te décris le paysage. Tu devrais aimer. Il y a un magnifique coucher de soleil, et au loin, vers le nord, un paquebot qui danse avec « Elle »…
-- Heu, le navire, il semble assez fort pour un naufragé sans-abri, un pianiste de l’océan?
-- Si. Il est plutôt étrange. Il semble parfait pour toi. On dirait du jazz.
-- Alors, je me retourne vers « Elle » si vous me promettez de ne pas pleurer après mon départ.
-- Mais, Duemille… Tu peux quand même venir faire la fête un peu avec nous. Tout le monde veut te voir.
-- Impossible. Je ne peux pas. Dans quelques minutes, je devrai vous quitter.
-- Quoi, tu ne vas tout de même pas disparaître tout de suite avec « Elle ».
-- C’est la fin de ce voyage sur la route pour le pianiste de l’océan. Je retourne chez moi sur la mer.
-- Bien. Tu me promets de te tenir loin des machines qui explosent ?
-- Peut-être… Sans blague…
-- Tu m’écriras …
-- Je ne sais pas. Peut-être…
-- Alors, tu veux bien te retourner maintenant… mon ami.
-- Vous me promettez de rester avec moi encore un peu et de chanter notre chanson une dernière fois, mon amie ?
-- Tu n’es pas sérieux…
-- C’est sérieux une légende…
– Sans blague…
-- … D’accord ?
-- … D’accord.


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1. Illustration: Jean-Paul Riopelle. Paysage.

(Je ne suis pas là...)