Je sais, disait-il, qu’on ne peut pas s’occuper aujourd’hui de mon affaire. Mais je suis venu tout de même, pensant que je pourrai attendre ici ; c’est dimanche, j’ai le temps et je ne gêne personne.
Franz Kafka. Le procès.
L’affaire de la petite chose devenait de plus en plus une terrible chose ! Une chose incompréhensible, une chose inimaginable ! La lamie se rua sur Mademoiselle M au volant de son destrier vorace. Le bolide engouffrait des montagnes de neige et vociférait des nuages de flocons blancs de tous les côtés ! M patinait de toutes ses forces devant le monstre. Elle était à bout de souffle ! La tempête redoublait de vigueur. Le vent balayait les rues de la ville comme un dragon de glace en colère. M ne voyait plus de chemin, plus d’issue…
Mademoiselle M glissa sur une petite chose de glace et… perdit conscience.
Quelques minutes après, M ouvrit les yeux. Horreur et stupeur, elle dut se rendre à l’évidence : elle était prisonnière du monstre. Reprenant ses esprits, elle trouva la force de poser quelques questions à la chose étrange qui semblait-il ne l’avait pas dévorée, déchiquetée ni expédiée en petits nuages roses sur les trottoirs de Nouveau-Bordeaux.
-- Je peux vous demander quelque chose ?
-- Évidemment mademoiselle. Vous êtes au bureau des renseignements. Allez-y, je vous écoute.
-- Le bureau des renseignements ! Ça alors ! Je croyais que vous étiez la terreur de mon quartier. Une lamie… Tout le monde doit se méfier de vous. C’est inscrit dans tous les bulletins de l’école.
-- Mais non, mademoiselle. Je suis une bonne lamie. Je suis l’amie de tout le monde. Vous comprenez ! Je suis votre amie. Que puis-je faire pour vous ?
-- Ça alors… Je n’en reviens pas. Sauriez-vous me renseigner au sujet de la petite chose ?
-- Absolument pas ! Je ne peux accéder à ce type de renseignement. Je peux vous renseigner sur toutes sortes de choses, mais pas la petite chose. Cette question vous sera soumise d’ici peu par le Comité de la petite chose. Il y a autre chose avant que je vous dépose à la sortie de l’école.
-- Comment ? À la sortie de l’école ? Mais, il n’y a pas d’école aujourd’hui. C’est la tempête !
-- Mais si, il y a toujours une école et je vous dépose à la sortie. C’est mon devoir. Chacun son devoir. C’est mon devoir de vous renseigner sur ce genre de choses. Autre chose ?
-- …
-- Alors, nous y voilà ! Ne vous inquiétez pas pour la petite chose disparue. Je vous en parle en juste cause. Je suis membre du Comité. Je vous reparlerai de la petite chose disparue lorsque le temps sera venu. Pas avant ! Pour le moment, je vous souhaite un bon retour à la maison.
-- Mais, c’est une aberration. Vous êtes le bureau des renseignements et vous ne me dites rien !
-- Je sais. C’est fascinant. Mais ce n’est rien si je pense à la petite chose… Tout ce que l’on peut faire subir… Enfin, au revoir, mademoiselle !
-- …
M se retrouva devant l’école. Elle remarqua que des élèves sortaient de l’établissement. Cependant, mademoiselle ne remarqua point qu’une drôle de petite chose reposait dans son sac d’écolier…
À suivre…
______________
1. Illustration : Normand Hudon. La sortie de l’école.
Franz Kafka. Le procès.
L’affaire de la petite chose devenait de plus en plus une terrible chose ! Une chose incompréhensible, une chose inimaginable ! La lamie se rua sur Mademoiselle M au volant de son destrier vorace. Le bolide engouffrait des montagnes de neige et vociférait des nuages de flocons blancs de tous les côtés ! M patinait de toutes ses forces devant le monstre. Elle était à bout de souffle ! La tempête redoublait de vigueur. Le vent balayait les rues de la ville comme un dragon de glace en colère. M ne voyait plus de chemin, plus d’issue…
Mademoiselle M glissa sur une petite chose de glace et… perdit conscience.
Quelques minutes après, M ouvrit les yeux. Horreur et stupeur, elle dut se rendre à l’évidence : elle était prisonnière du monstre. Reprenant ses esprits, elle trouva la force de poser quelques questions à la chose étrange qui semblait-il ne l’avait pas dévorée, déchiquetée ni expédiée en petits nuages roses sur les trottoirs de Nouveau-Bordeaux.
-- Je peux vous demander quelque chose ?
-- Évidemment mademoiselle. Vous êtes au bureau des renseignements. Allez-y, je vous écoute.
-- Le bureau des renseignements ! Ça alors ! Je croyais que vous étiez la terreur de mon quartier. Une lamie… Tout le monde doit se méfier de vous. C’est inscrit dans tous les bulletins de l’école.
-- Mais non, mademoiselle. Je suis une bonne lamie. Je suis l’amie de tout le monde. Vous comprenez ! Je suis votre amie. Que puis-je faire pour vous ?
-- Ça alors… Je n’en reviens pas. Sauriez-vous me renseigner au sujet de la petite chose ?
-- Absolument pas ! Je ne peux accéder à ce type de renseignement. Je peux vous renseigner sur toutes sortes de choses, mais pas la petite chose. Cette question vous sera soumise d’ici peu par le Comité de la petite chose. Il y a autre chose avant que je vous dépose à la sortie de l’école.
-- Comment ? À la sortie de l’école ? Mais, il n’y a pas d’école aujourd’hui. C’est la tempête !
-- Mais si, il y a toujours une école et je vous dépose à la sortie. C’est mon devoir. Chacun son devoir. C’est mon devoir de vous renseigner sur ce genre de choses. Autre chose ?
-- …
-- Alors, nous y voilà ! Ne vous inquiétez pas pour la petite chose disparue. Je vous en parle en juste cause. Je suis membre du Comité. Je vous reparlerai de la petite chose disparue lorsque le temps sera venu. Pas avant ! Pour le moment, je vous souhaite un bon retour à la maison.
-- Mais, c’est une aberration. Vous êtes le bureau des renseignements et vous ne me dites rien !
-- Je sais. C’est fascinant. Mais ce n’est rien si je pense à la petite chose… Tout ce que l’on peut faire subir… Enfin, au revoir, mademoiselle !
-- …
M se retrouva devant l’école. Elle remarqua que des élèves sortaient de l’établissement. Cependant, mademoiselle ne remarqua point qu’une drôle de petite chose reposait dans son sac d’écolier…
À suivre…
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1. Illustration : Normand Hudon. La sortie de l’école.
J’arrive très en retard—il faut me pardonner, chère amie, je sais, je crois, j’espère que vous me pardonnerez mon insupportable lenteur, mais j’ai du mal, voyez-vous, et mon ordinateur ordinaire ne va pas bien, et il me manque parfois les mots en dessous des genoux. Ceci dit, je tenais beaucoup à lire la suite de cet amusant récit.
RépondreSupprimerEt tout d’abord, où sont les lutins ? Car je les aimais beaucoup, ces drôles. Et quant à la lamie, il me semble que je me souviens d’elle, le torse d’une femme sur le corps d’une bête, elle est donc un Centaure, une chimère, une juxtaposition plus ou moins heureuse, mais que je retrouve ici avec joie puisqu’elle me rappelle les soirées de ma petite enfance quand je découvrais les mondes étranges mis en jeu dans ces livres qu’on appelait Dungeons and Dragons (qui m’ont appris l’anglais.) Lamia, c’était une bête du désert—et pas toujours docile. Quant à la « petite chose », je dirais qu’elle me rappelle le MacGuffin de Hitchcock…
// le Comité de la petite chose.// ça c’est nouveau ! Un Comité ! Ah ! ah ! ah !
Je m'en vais lire la suite (c'est le seul avantage de mon retard).
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