La petite chose #2


Vous n’êtes qu’arrêté, rien de plus. C’est ce dont j’avais à vous informer ; j’ai vu comment vous le preniez, cela suffit pour aujourd’hui, et nous pouvons nous séparer, provisoirement bien entendu.
Franz Kafka
. Le procès.

Le petit B et ses deux complices observaient toutes ces drôles de choses debout dans le corridor. Mademoiselle M complètement perdue dans les méandres obscurs de ce récit offert par les trois lutins, ne les avait nullement entendu rire dans son dos. Fortement irritée par cette plaisanterie, elle se tourna vivement vers eux et leur signifia toute son indignation :

-- Évidemment, lorsque le chat de l’attribut dort, les souris de l’« adverbesaire » dansent ! J’aurais dû me douter, dès le début de cette folle histoire, que vous étiez les auteurs de ce cauchemar. Espèces de cœurs de pierre de lupeux, dites-moi ce que vous manigancez en ce jour de tempête. Laissez-moi passer. Je veux me rendre à la cuisine et vérifier ce que ma famille pense de toutes ces choses absolument incompréhensibles.

Le petit B et ses deux acolytes demeurèrent muets devant les protestations de M. Ils se contentèrent de bloquer le passage à la pauvre demoiselle en robe de chambre. Exaspérée, elle se tourna vers le lutin qui arborait un galurin à quatre pointes. Elle se dit que celui-là devait être le chef de cette délégation saugrenue. Désirant mettre fin à cet imbroglio, elle se questionna rapidement et jugea bon de se calmer l’esprit. Il lui sembla qu’un dialogue amical serait préférable avec ces gens baroques. Et puis elle ne voulait pas nuire à la réputation de la tribu. Ce n’était pas le moment de déclarer la guerre à la bande rivale. Elle avait un devoir à remettre à son professeur et un examen à passer. Voilà ce qu’elle décida de mettre à l’ordre du jour en plein corridor, devant la porte de sa chambre.

Mademoiselle M se racla le fond de la gorge et déclara :

-- Monsieur le lutin mufti, je suis désolée de cet accueil quelque peu inhospitalier. Je vous demande simplement de m’expliquer calmement ce que vous avez de si important à me dire, au sujet de la petite chose…

Malheureusement, M n’eut pas le loisir de terminer son préambule. À ce moment, une autre chose vraiment farfelue se produisit. La pauvre M faillit perdre son sang-froid. François D, le grand roux et la petite futée émergèrent doucement de l’armoire de rangement, à sa gauche. La saluant gentiment, ils se dirigèrent promptement dans sa chambre. Au passage, la petite futée ne manqua point de lui souffler un trait sarcastique signifiant clairement qu’elle n’aurait jamais dû quitter sa chambre sans permission. M se retrouvait dans une drôle de situation à cause de son audace. Elle n’avait qu’à se débrouiller seule. Ses amis n’étaient présents que pour observer toute la chose.

M se retrouva isolée, au milieu du couloir devant cet auditoire sorti de nulle part. Hésitant quelque peu une fois de plus, elle relança le lutin caïd avec douceur et fermeté. Il y avait tellement de monde dans sa maison qu’elle jugea préférable de hausser le timbre de sa voix afin que tous puissent entendre le reste de ses propos sur ce quiproquo:

-- Mesdames et messieurs, je souhaite m’entretenir sérieusement avec le responsable de cette mise en scène burlesque. Un peu de silence…

Le lutin s’avança vers M avec désinvolture. Néanmoins, il se montra ouvert à la conversation. Mademoiselle profita de ce moment de faiblesse pour mettre sa stratégie à l’œuvre.

-- Récapitulons… Je ne comprends rien à votre intervention. Je ne sais rien de cette petite chose en cause… Je vous prie de me révéler la chose afin que nous puissions terminer cette psychose devant un bon chocolat chaud…
-- Je ne suis pas ici pour vous révéler la chose. La petite chose ne nous concerne pas. Vous devrez en discuter devant le comité de la petite chose. Nous sommes ici pour vous surveiller, vous informer de la petite chose. Notre mandat ne peut outrepasser ces choses. Je suis désolé. C’est l’ordre des choses.
-- C’est ridicule ! protesta M d’un ton franchement impressionnant. Je veux voir ma tribu familiale immédiatement. C’est la moindre des choses.
-- C’est impossible. Votre famille est au sous-sol afin de nous préparer un bon dîner. Cependant, je peux leur signifier votre excellente santé. C’est mon métier en Lunocolie. Je suis facteur-négociateur au royaume de la petite chose.
-- Je n’en peux plus. Si je vous comprends bien, je suis séquestrée dans mon corridor…
-- Vous n’auriez pas dû sortir de votre chambre durant les procédures, opina le négociateur.
-- Et alors ! Je ne vois pas ce qui pourrait me tomber de plus sur la tête ce matin.
-- Calmez-vous, mademoiselle. Vous n’êtes pas séquestrée. Vous pouvez aller dire bonjour à votre famille, partir pour l’école en toute tranquillité. Le comité du dépanneur en toutes choses vous contactera pour la suite de la petite chose. De notre côté, notre tâche étant terminée, nous vous remercions de votre attention et nous vous prions d’agréer nos plus sincères vœux de petit bonheur pour votre devoir et votre examen.
-- Quoi ! Vous partez ! Je peux me rendre à l’école !
-- Absolument, mademoiselle. Vous pouvez circuler librement. Nous vous surveillerons discrètement et vous aviserons lorsque la petite chose en question sera remise en question…

M se dit que cette pause symbolique fut certainement une bonne chose, mais… quelque chose la tracassait sérieusement au sujet de toutes ces petites choses qui demeuraient certes inexplicables au sujet de la petite chose…

À suivre…

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1. Illustration: Normand Hudon. Les trois grâces.

Commentaires

  1. ce récit, cette partie de récit me sert de parfait texte médial pendant que je termine la suite de mon propre récit qui raconte les problèmes liées à une certaine grosse chose, mais je ne veux pas en dire plus long puisque ici n’est pas la place de la chose.

    On s’amuse gaiement avec ces mystérieux lutins. Ça sent Noël, la neige, les aiguilles de sapin, les cheveux des anges, le plastique qui chauffe des petites lumières rouges et vertes et bleues et jaunes…

    belles trouvailles: cet attribut d'or qui dort, la pierre de lupeux la Lunocolie!

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  2. >Reading is Dangerous: Il se passe de si étranges choses dans l'univers de votre Palestrique que je n'ose en dévoiler la moindre chose. J'éprouve assez de difficultés avec ces drôles de lutins qui tiennent mordicus à mettre mademoiselle M au courant de la petite chose disparue...

    La Lunocolie nous réserve encore quelques surprises... épouvantables!

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  3. //'éprouve assez de difficultés avec ces drôles de lutins //

    prenez un gros sac et montrez-le aux lutins --- c'est un truc qui marche, les lutins resteront sagement assis.

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  4. >Reading is Dangerous: seriez-vous magicien de la prose et de la petite chose? C'est maintenant que vous me dites de telles choses!

    Je prends notes!!!

    >Melo: Enfin! Voilà une piste à suivre sur la petite chose en cause!

    Ne quittez pas la ville!

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