Elles n’avaient encore jamais vu la mer, […] Elles ignoraient encore et ne pouvaient soupçonner la dégradation qui les attendait. C’étaient de jolies bêtes innocentes et fières, des créatures de plaines, qui ignoraient encore la captivité et tout ce qui l’accompagne : le froid, la puanteur, la fumée, la gale et, par-dessus tout, la terrible monotonie d’un monde dans lequel il ne se passe rien.
Karen Blixen. La ferme africaine.
Je demeurai devant elle, immobile, figée par l’intensité de ce moment d’éternité décrété par les dieux mystérieux du cirque Oceano. Je la regardai doucement sans bouger, sans parler. Je la voyais immense dans ce petit enclos ridicule. J’observai son élégance, sa grâce, sa sagesse. Je l’apercevais si noble au sein de cet espace si restreint. Je la sentais si gigantesque au milieu de cet univers qui pourtant n’était pas son monde. Je la sentais si triste…
Un océan gris perdu dans la mer du monde.
Je risquai quelques mouvements. D’abord un sourire. Un tout petit bonjour esquissé du bout des lèvres. Puis, une légère inclinaison de la tête du côté gauche, celui du cœur. Je me penchai un tantinet vers elle, toujours en souriant. Je fis un premier pas, doucement. Puis, un deuxième…
Une mer grise se tourna vers moi.
Je demeurai pétrifiée. Elle s’avança lentement, sans se presser comme une incroyable vague perdue dans les histoires de marins d’eaux douces. Elle se balançait, dansait des récits d’une autre époque. Une odyssée que je ne connaissais pas. Un pays qu’elle décida de me faire découvrir petit à petit, comme un conte inédit confié par un sorcier masaï à une enfant d’un monde, où il ne se passe jamais rien…
Un monde africain prenait le vent avec moi.
J’étais fascinée… Madame Chopin, éléphante, nouvellement admise à la ménagerie du parc Lafontaine me contait des histoires de plaines sauvages, d’aubépines, de lions et de flamands roses. Madame Chopin, mine de rien, acceptait de participer au plus grand spectacle du monde de mon monde, le cirque Oceano. Elle serait la vedette, le final.
Toute la troupe se réunirait autour de cet enclos incroyable, celui de madame l’éléphante d’Afrique afin de faire leur numéro.
J’étais si fière. Je voyais la mère de l’Afrique.
J’étais si captivée par la bête captive.
Je me sentais si bête devant cet océan gris de sagesse.
Je ressentis le froid, la puanteur.
Je ressentis toute la monotonie de ce monde où il ne se passe jamais rien.
Je ressentis tout cela dans les yeux d’océan de mon éléphante qui avait vu la mer des hommes… en passant.
À suivre…
______________
1. Illustration: Modigliani. Jeanne Hébuterne.
Karen Blixen. La ferme africaine.
Je demeurai devant elle, immobile, figée par l’intensité de ce moment d’éternité décrété par les dieux mystérieux du cirque Oceano. Je la regardai doucement sans bouger, sans parler. Je la voyais immense dans ce petit enclos ridicule. J’observai son élégance, sa grâce, sa sagesse. Je l’apercevais si noble au sein de cet espace si restreint. Je la sentais si gigantesque au milieu de cet univers qui pourtant n’était pas son monde. Je la sentais si triste…
Un océan gris perdu dans la mer du monde.
Je risquai quelques mouvements. D’abord un sourire. Un tout petit bonjour esquissé du bout des lèvres. Puis, une légère inclinaison de la tête du côté gauche, celui du cœur. Je me penchai un tantinet vers elle, toujours en souriant. Je fis un premier pas, doucement. Puis, un deuxième…
Une mer grise se tourna vers moi.
Je demeurai pétrifiée. Elle s’avança lentement, sans se presser comme une incroyable vague perdue dans les histoires de marins d’eaux douces. Elle se balançait, dansait des récits d’une autre époque. Une odyssée que je ne connaissais pas. Un pays qu’elle décida de me faire découvrir petit à petit, comme un conte inédit confié par un sorcier masaï à une enfant d’un monde, où il ne se passe jamais rien…
Un monde africain prenait le vent avec moi.
J’étais fascinée… Madame Chopin, éléphante, nouvellement admise à la ménagerie du parc Lafontaine me contait des histoires de plaines sauvages, d’aubépines, de lions et de flamands roses. Madame Chopin, mine de rien, acceptait de participer au plus grand spectacle du monde de mon monde, le cirque Oceano. Elle serait la vedette, le final.
Toute la troupe se réunirait autour de cet enclos incroyable, celui de madame l’éléphante d’Afrique afin de faire leur numéro.
J’étais si fière. Je voyais la mère de l’Afrique.
J’étais si captivée par la bête captive.
Je me sentais si bête devant cet océan gris de sagesse.
Je ressentis le froid, la puanteur.
Je ressentis toute la monotonie de ce monde où il ne se passe jamais rien.
Je ressentis tout cela dans les yeux d’océan de mon éléphante qui avait vu la mer des hommes… en passant.
À suivre…
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1. Illustration: Modigliani. Jeanne Hébuterne.
>Paule: Merci pour tes justes réflexions sur l'auteur, Karen Blixen. Une écrivaine que plusieurs ont découvert grâce au film, La ferme Africaine.
RépondreSupprimerUne merveille!