Le cirque Oceano # 3

-- Jestes dobra dziewczynca, dit-il en se relevant.
Il rebouche le tube.
-- Potoz noge.
Rosie repose son pied par terre.
-- Masz, moja piekna, dit-il en fouillant dans sa poche.
La trompe se balance d’un côté et de l’autre, investigatrice. Il sort une pastille de menthe, la nettoie un peu et lui tend. Elle la cueille promptement et l’enfourne dans sa gueule.
Je suis estomaqué – littéralement bouche bée. En l’espace de deux secondes, mon esprit a procédé à certains recoupements. Son refus de se produire sur la piste, son passé avec son ancien maître, l’affaire de la citronnade, du potager saccagé…
Sara Gruen
. De l’eau pour les éléphants.

Samedi matin. Il est onze heures. J’ai la tête qui bourdonne. Toute la nuit, ou presque, j’ai remué des tas d’idées saugrenues, des scénarios d’écuyère, des sauts d’acrobates, des chutes dans le filet de l’homme canon, des entrées clownesques. Sans oublier la musique pour l’orchestre. Sans oublier le texte de monsieur Loyal.

Je suis exténuée. Je suis sur l’adrénaline. Je suis décidée à mettre sur pied le plus grand spectacle du monde. Le cirque Océano sera présenté. Je ne sais pas quand ni comment. Le cirque Oceano sera, mais il faut que je trouve l’essentiel : un éléphant.

Je triture le gruau depuis une demi-heure. Je déguste le jus d’orange. C’est samedi, rien ne presse. Il faut que je trouve le courage de lui poser la question essentielle. Comment ?

Il vient à peine de se lever. C’est samedi, rien ne presse. Il s’est couché très tard comme d’habitude. Les amis sont venus. Ils ont discuté toute la nuit ou presque. Je les ai entendus rire sous mon édredon. Je les entends toujours s’amuser comme des enfants, ces adultes qui ne sont que de grands enfants. Il faut que je le laisse s’installer à la table. Il n’aime pas se faire bousculer avec des questions saugrenues le samedi matin. Rien ne presse. C’est jour de congé.

Il prend une première gorgée de café. Il regarde par la fenêtre un oiseau qui passe. Il croque dans une rôtie. Je le regarde un peu, pas trop. Je veux qu’il se réveille doucement. Je veux qu’il soit réceptif à la question essentielle, la survie du cirque Oceano.

Contre vents et marées, démons et merveilles, j’ose.

-- Heu… Dis-moi papa, tu sais ton ami si gentil, celui qui est vétérinaire… et zoologiste. Je voudrais prendre rendez-vous avec lui. J’ai des questions à lui poser. Une petite question en particulier…

Il dépose sa tasse de café, me regarde en souriant et sans aucune hésitation, il me répond.

-- Il vient cet après-midi. Tu auras tout le loisir de converser avec lui. Il est très gentil.

J’ai renversé mon jus d’oranges pressées…

Ce n’est pas grave. C’est jour serein. Que j’aime les samedis augustes, ceux où rien ne presse.

À suivre…

________________
1. Illustration: Pablo Picasso. Au lapin agile. Arlequino.

free music

Commentaires

  1. Que j'aime, moi, ces esquisse de Cirque, ces plans qui dessinent des tentes et des chapiteaux pour faire rêver tous les enfants. Tous.

    Et ce samedi auguste où l'audace de demander quand «il» viendrait...

    Que j'attends la suite, pendue à ces lettres et que j'aime aussi ces liens qui montrent d'autres arènes, d'autres enceintes de magiciens.

    Et la recherche, et tout ça...
    Sourire Mireille...

    RépondreSupprimer
  2. >Gaëna: Merci!

    Il y a un gentil magicien qui me murmurre des suites de musique de cirque dans ma tête et dans mon coeur...

    Confiance...

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire