Elle balance sa trompe au ras du sol, déploie ses oreilles telles d’énormes feuilles. Sa bouche s’ouvre dans un sourire.
-- Salut… Salut, Rosie. Moi, c’est Jacob !
Après un instant d’hésitation, je tends la main, à peine. La trompe passe à toute vitesse, soufflant. Enhardi, je lui touche l’épaule ; sa peau est rugueuse, poilue et d’une chaleur surprenante.
-- Salut, toi…
Je lui donne une petite tape timide. Ses oreilles en voile de bateau avancent et reculent, puis la trompe revient. Je la touche, la caresse. Je suis complètement sous le charme, si captivé que je ne m’aperçois même pas du retour d’August.
Sara Gruen. De l’eau pour les éléphants.
Plus que vingt minutes avant le déclenchement du système d’alarme. Plus que vingt minutes avant que cette cloche divine vienne me délivrer de mon siège, me sortir de cette pièce infernale, pourtant bien jolie, que l’on nomme salle de classe. Vivement la libération ! J’ai peur de récolter une retenue. J’ai une montagne de petits avions en papier sur mon pupitre. Tous les copains me confirment leur présence à la réunion extraordinaire de cinq heures. François veut faire le maître de cérémonie, le grand roux veut devenir l’homme-canon, la petite H veut dresser les grands fauves et, moi…, je ne sais plus où donner de la tête !
Évidemment, le professeur me pose une question avant que cette foutue cloche résonne dans mes oreilles. Évidemment, je ne connais pas la réponse. Je ne comprends rien aux mathématiques. Je suis nulle en addition, en soustraction et tout ce qui concerne les fantaisies chiffrées. Miracle ! Elle ne sévit pas et, surtout, ne remarque pas tous les petits billets échoués sur le sol, près de mon sac…
La cloche tinte et tinte ! Je suis libérée ! Enfin, pour cette fois.
Cinq heures. Toute la tribu est réunie au resto du coin, le North View. L’ordre du jour est extrêmement chargé. Nous devons établir un échéancier, déterminer les tâches et puis surtout, créer le spectacle, mettre en branle l’univers du plus grand cirque du monde de Nouveau-Bordeaux : le cirque Oceano !
Après de longues délibérations, il fut établi que François serait le maestro, le monsieur Loyal de la piste. Je fus élue clown sans aucune protestation. Puis, juste avant la fin de la représentation, heu… de la séance, la belle Ô déposa un grave problème sur la scène.
-- C’est bien tout ce cirque. Mais un cirque n’est pas un cirque sans animaux! affirma-t-elle de sa petite voix pointue de première de classe.
Éberlués, nous restâmes muets devant une telle affirmation. Du diable où pourrions-nous trouver de tels phénomènes? Des bêtes de scènes pas si bêtes !
-- D’accord, tu as raison, dis-je. Mais nous ne pouvons réunir de véritables fauves. Nous devrons faire preuve d’imagination.
-- Je proteste, poursuivit-elle. Un cirque n’est pas un cirque sans un éléphant !
Misères ! La belle histoire. Où diable pourrais-je trouver un éléphant ?
Vers minuit, ruminant des images folles de pachydermes sous l’édredon, une idée saugrenue germa dans mon esprit…
À suivre…
_________________
1. Illustration: Henri de Toulouse-Lautrec. Au cirque Fernando. L’écuyère. 1887-1888.
-- Salut… Salut, Rosie. Moi, c’est Jacob !
Après un instant d’hésitation, je tends la main, à peine. La trompe passe à toute vitesse, soufflant. Enhardi, je lui touche l’épaule ; sa peau est rugueuse, poilue et d’une chaleur surprenante.
-- Salut, toi…
Je lui donne une petite tape timide. Ses oreilles en voile de bateau avancent et reculent, puis la trompe revient. Je la touche, la caresse. Je suis complètement sous le charme, si captivé que je ne m’aperçois même pas du retour d’August.
Sara Gruen. De l’eau pour les éléphants.
Plus que vingt minutes avant le déclenchement du système d’alarme. Plus que vingt minutes avant que cette cloche divine vienne me délivrer de mon siège, me sortir de cette pièce infernale, pourtant bien jolie, que l’on nomme salle de classe. Vivement la libération ! J’ai peur de récolter une retenue. J’ai une montagne de petits avions en papier sur mon pupitre. Tous les copains me confirment leur présence à la réunion extraordinaire de cinq heures. François veut faire le maître de cérémonie, le grand roux veut devenir l’homme-canon, la petite H veut dresser les grands fauves et, moi…, je ne sais plus où donner de la tête !
Évidemment, le professeur me pose une question avant que cette foutue cloche résonne dans mes oreilles. Évidemment, je ne connais pas la réponse. Je ne comprends rien aux mathématiques. Je suis nulle en addition, en soustraction et tout ce qui concerne les fantaisies chiffrées. Miracle ! Elle ne sévit pas et, surtout, ne remarque pas tous les petits billets échoués sur le sol, près de mon sac…
La cloche tinte et tinte ! Je suis libérée ! Enfin, pour cette fois.
Cinq heures. Toute la tribu est réunie au resto du coin, le North View. L’ordre du jour est extrêmement chargé. Nous devons établir un échéancier, déterminer les tâches et puis surtout, créer le spectacle, mettre en branle l’univers du plus grand cirque du monde de Nouveau-Bordeaux : le cirque Oceano !
Après de longues délibérations, il fut établi que François serait le maestro, le monsieur Loyal de la piste. Je fus élue clown sans aucune protestation. Puis, juste avant la fin de la représentation, heu… de la séance, la belle Ô déposa un grave problème sur la scène.
-- C’est bien tout ce cirque. Mais un cirque n’est pas un cirque sans animaux! affirma-t-elle de sa petite voix pointue de première de classe.
Éberlués, nous restâmes muets devant une telle affirmation. Du diable où pourrions-nous trouver de tels phénomènes? Des bêtes de scènes pas si bêtes !
-- D’accord, tu as raison, dis-je. Mais nous ne pouvons réunir de véritables fauves. Nous devrons faire preuve d’imagination.
-- Je proteste, poursuivit-elle. Un cirque n’est pas un cirque sans un éléphant !
Misères ! La belle histoire. Où diable pourrais-je trouver un éléphant ?
Vers minuit, ruminant des images folles de pachydermes sous l’édredon, une idée saugrenue germa dans mon esprit…
À suivre…
_________________
1. Illustration: Henri de Toulouse-Lautrec. Au cirque Fernando. L’écuyère. 1887-1888.
Beaux moments que ceux de l'enfance à imaginer et jouer des rôles en se divertissant.
RépondreSupprimerMerci pour cette gaieté dans vos textes.
Sympa la vidéo, malheureusement pas de son, mais ça a son charme aussi comme ça.
Présent pour la suite ;)
>eipho: Merci pour vos commentaires. Oui, je m'inspire beaucoup de mon enfance afin de partager avec vous des thèmes qui me touchent et qui demeurent, malgré le temps, toujours présents dans l'actualité.
RépondreSupprimerComme dirait Gaëna, la fée, parfois un peu sorcière, qui croisent si bien les mots croisés, se sont des histoires un peu vraies... des histoires issues de notre maison de l'enfance.
Une maison en soi qui demeure.
Avec toutes les tragédies qui explosent dans le monde, je trouve que parfois cela fait du bien de rêver, de rire et d'imaginer un monde meilleur pour nos enfants.
Ces vidéos sont des trésors!!! La première n'a pas de son. Cependant, si le temps vous le permet et le goût vous chante, les autres sont également fascinantes. Il y a un documentaire inédit que je n'avais jamais vu sur Grock, un des plus grands clowns de tous les temps. Et les séquences des Clowns de Fellini...
Pures merveilles!
Bon vent!
Entièrement raison Mireille,
RépondreSupprimeril a assez de grisaille un peu partout alors il faut donner de quoi lire pour la bonne humeur et le sourire.
Ca fait du bien, de se dire, tient ici, je vais me changer les idées.
Trés bien, pour les vidéos,
merci pour le partage -
Qu'est-ce donc ce documentaire inédit ?
Vraiment gentil. Ça me fait plaisir.
RépondreSupprimerLe document inédit que je viens de découvrir est accessible sur ces extraits vidéos. En activant le menu, vous verrez apparaître une bande déroulante présentant les différents extraits. Je mentionnait celui intitulé: Grock.
Adrien Wettach dit Grock (1880-1959), était un artiste de cirque suisse. Il fut l'un des premiers augustes à se passer de la présence d'un clown blanc (Larousse 2006). Je me souviens d'avoir dévoré sa biographie. Malheureusement, je ne retrouve plus ce livre...
le documentaire est un peu long. Je crois qu'il dure environ trente minutes. Cependant, sa valeur historique est indéniable. Je vous indique deux liens que j'ai découverts à ce sujet.
http://www.evasion.ch/grock/bienvenue.htm
http://videodeclown.blogspot.com/2007/09/les-fratellini.html
De telles entrées clownesques sont extrêmement rares. je voulais les partager avec vous.
Bon vent!
Oh! Mireille qui sait si bien faire rêver et ramener des bouts d'enfance idéale et belle et magique.
RépondreSupprimerQue du bonheur!
Et le cirque Océano et les clowns muets...
Et moi, j'entends la petite musique qui va avec les chapiteaux... : )
>Gaëna: Il ya un très gentil clown pianiste que l'on appelait Grock! Sans Blague!
RépondreSupprimerSi vous avez le doigté, si bien sûr, sélectionné Grock dans le menu et prenez un délicieux café en compagnie de cet artiste merveilleux! C'est un immense musicien!!!
Bon vent!
Oula, je passe un peu tard voir la réponse.
RépondreSupprimerJe viendrai sans faute demain, visionner les liens donnés ci-dessus.
amitiés
Merci mon amie,
RépondreSupprimerune bise est envoyée de ma nuit ;)