Dialogues pas si bêtes # 6


Trois heures plus tard. Près de la tortue qui a fait le tour du jardin et broute à présent les pois de senteur, la Bergère se tient toujours à l’arrêt.

LA CHIENNE BULL, sur le perron, sans approcher : Eh bien ? Vous l’avez tuée ?

LA BERGÈRE, exténuée, mais héroïque, le nez à deux doigts de l’écaille ambulante : Pas encore.

LA CHIENNE BULL, ironique : Qu’est-ce que vous faites, alors ?

LA BERGÈRE : J’attends.

LA CHIENNE BULL : Vous attendez quoi ?

LA BERGÈRE : Qu’elle sorte de sa niche !...
Colette. Dialogues de bêtes. Les bêtes et la tortue.

Apparemment, la Chrysler rouge roula à plus de cent à l’heure, brûla tous les feux rouges jusqu’à l’hôpital. Le médecin de quart opina un grave diagnostic à mon sujet. Aussitôt, on procéda à de multiples tortures à mon endroit tels des prises de sang, des tests de ceci de cela, etc. Je dis bien, apparemment. Je n’ai aucun souvenir précis de ce passage en ces lieux épouvantables.

Cependant, je me souviens de l’orage et du parfum de la malédiction du fantôme en noir !

Mon potage-pemmican terminé, je me précipitai à l’écurie avec Cathy-Chien. La foudre était tombée sur le pommier rose centenaire près du box de Tanto de Huxley, le poney. Catastrophe ! Mon destrier brillait par son absence. La bête, prise de panique, avait choisi la poudre d’escampette. Rassemblant mon courage, je mis mon limier sur la piste. L’épagneul téméraire se mit tout de go à la recherche de l’imprudent quatre pattes. Ordonnant l’hallali, le branle-bas se déroula sur-le-champ dans les champs. Les pistes fraîches indiquaient le nord, en direction de la terre des bêtes bisons noirs.

La course folle nous mena à la rivière. Le poney n’y était pas. Malgré tout, Cathy-Chien s’agitait dans tous les sens. Elle m’entraîna vers un petit ruisseau inconnu. Au fil de l’eau, je découvris un étang étrange. Au milieu de cette mare secrète, Tanto de Huxley pataugeait comme une tortue… Pendant plus de trois heures, j’essayai de le faire sortir de cette niche ensorcelée. Impossible de larguer les amarres de cette mare nullement marrante. Le dialogue des bêtes pas si bêtes était rompu. Finalement, je réussis à le prendre au lasso et à le hisser hors de l’eau. J’étais trempée jusqu’aux os…

La fièvre jaune, rouge, verte, noire, peu importe la couleur de la malédiction du fantôme, elle s’abattit sur mon scalp en pleine nuit. Mon délire provoqua la cavale de toute la tribu vers le sorcier de la rivière du Nord. L’antidote me sauva la vie. Pas si bêtes, Tanto de Huxley de la mare retrouva son box et ses vertes landes, Cathy-Chien, sa niche marrante et son poulailler, moi, mon tipi jaune marrant.

Bêtement, le parfum funeste pas marrant du fantôme en noir flottait toujours sur le manoir…

Commentaires

  1. il va nous falloir une carte pour qu'on s'y retrouve, mais comment indiquer un etang situe au milieu d'une riviere?

    c'est un probleme nouveau, du jamais vu

    et la jument?
    Il me faut un role. . . je pars donc sur ses traces

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  2. dans la mare, c'est vrai, on vit un
    Etrange voilier-jouet
    Sur lequel s'agitaient de minuscules figurines en forme de chien. . .

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  3. Et le vent tournoyait dans la nuit... Et...

    J'aime ces reconnaissances impromptues. Une petite communion, presque! Mais je viens chez vous et je m'y sens chez-moi... Et ça... C'est un petit bout de joie pure et simple. Savourer ces emportements dans un monde totalement magique... Et j'aime y voyager et je partage avec vous des parcelles de souvenirs... Le Capitaine Bonhomme... Oui, oui...

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  4. >Cher Rid: il y a toujours une carte « jamais vue ». C'est une lecture dangereuse, un mystère à suivre! Je vous propose une jument verte prisonnière d'un tipi jaune sur un voilier magique... et des petits chiens matelots courageux.

    Dimanche...

    >Gaëna: ce doux vent d'ouest est tout gentil comme une chanson douce. Vous êtes chez-vous, chez-moi. Ces petits mots voyageurs sont des rêves, des couleurs à partager. Oui! Oui! Oui! Partons! La mer est belle!

    Merci!

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