Dialogues pas si bêtes # 4

Un tipi sous les saules. La canicule de juillet. Le repos du guerrier, après la promenade dans la contrée sauvage de la rivière du Nord. Cathy-Chien et Tanto-de-Huxley se reposent. Ils transpirent de sérénité. Une odeur de glace à la framboise émane de la terrasse.

CATHY-CHIEN, humant le parfum inconnu : Cette poule a une drôle d’odeur. Elle a sûrement été élevée dans une niche près des buissons aux petits fruits rouges. Tu sais, ceux qui piquent le museau! Elle raffole de ces baies infernales ! Et moi, je raffole des poules !

TANTO-DE-HUXLEY, indifférent : Silence, Chien. Je me fais cuire sous ce box conique étrange depuis une heure. Je ne mange point de ce foin-là. Ce n’est pas une poule, mais une friandise sucrée que les deux pattes adorent les jours d’été. Aucun intérêt. Faisons la sieste.

CATHY-CHIEN : Sucrée, dis-tu ? Mon royaume pour une poule rouge offerte par Elle. J’ai bien tenté de causer avec celles du poulailler, histoire de lui en proposer une dans son loft particulier. Misères ! Je me suis fait changer les idées de grandeur par la mère supérieure. Ouste ! Interdis de chasser les demoiselles ! Alors, si Elle m’offre un substitut en cachette, je ne dirais pas non. Et toi, poney ?

TANTO-DE-HUXLEY : Comme tu es bête… Je n’ai pas de temps à perdre avec de telles futilités. Je suis nourrie comme il se doit tous les matins par mon lad. Je me délecte de l’herbe fraîche qui verdit dans les landes tout l’après-midi. Le soir, Elle me remercie de mes pitreries de poney de cirque avec des pommettes roses et des carottes à l’eau de rose. Calme-toi. Elle te donnera quelques biscuits de feu dans la soirée. Tu sais, ceux qu’Elle fait dorer comme une offrande au-dessus des braises. Ce rituel poétique accompagne la danse du soleil ou de la pluie qu’Elle exécute avant d’aller dormir dans son écurie bleue.

CATHY-CHIEN, perplexe : Je dis attention ! Je dis combustion ! Attention à ce bonbon de calcination. Non merci ! Je préfère courir après les poulettes rouges plutôt que me brûler les moustaches sur ces boulettes noires ! Et puis, tu n’as pas de leçon à me servir. Tu es têtu comme un poney. Je t’ai vu lui refuser la balade du côté de chez Sam, le gardien des bisons…

TANTO-DE-HUXLEY : Ce ne sont pas des bisons ! Chien, ne détourne pas la conversation. Je ne suis ni bête ni têtu. Je suis sage et prudent. Ce n’est pas une piste pour Elle. Ce sont des bêtes barbares qui utilisent un langage rude du sud. Ils portent de longs couteaux sur la tête. Leurs robes noires se confondent dans l’ombre des jeunes filles en couleur mille-fleurs. Alors, je préfère faire l’âne et la guider vers la colline aux aubépines. Le monde y est meilleur.

CATHY-CHIEN, sceptique : Tu parles bien, un vrai philosophe. Tout de même, auguste sire, tu pourrais lui obéir de temps en temps. À tout le moins, faire semblant…

TANTO-DE-HUXLEY, méditatif : Naguère, longtemps j’ai écouté les deux pattes de tout acabit. Désormais, je n’entends plus que mon cœur et les murmures de mon maître. Elle est mon cheval de bataille. Je suis mûr pour aimer cette petite fille haute comme trois mûres. Je la conduirai longtemps dans le temps.

À suivre…