Dialogues pas si bêtes # 3

TOBY-CHIEN, qui se tord à l’intérieur : Tu n’exagères pas ?
KIKI-LA-DOUCETTE, sérieux
: Jamais. Et c’est sur un cheval qu’Elle s’en va grimper, cramponnée à quatre ficelles, jambe de-ci, jambe de-là ?... Étrange aberration !
TOBY-CHIEN
: Nous ne pensons pas de même, Chat. Pour moi, le cheval est, après l’homme, la beauté du monde.
Colette
. Dialogues de bêtes. Elle est malade.

J’invoquai tant bien que mal tous les grands sachems de la Terre. Rien à faire ! Je n’obtins pas la permission de dormir sous mon tipi. Je voulais être au cœur de l’aventure, au centre de ce territoire nouveau et mystérieux. Et puis, je n’aimais pas beaucoup ces rumeurs de spectres, qui cavalaient allègrement au sujet de ce manoir. Je préférais la nuit noire, le campement d’un héros solitaire, loin des siens, aux bourdonnements suspects émanant de nulle part, en plein milieu d’un cauchemar. Je n’avais pas peur des bisons… mais je craignais un peu l’inconnu derrière l’armoire magique. Je dus capituler devant les objections nourries du chef de la tribu. Ma mère trancha la délicate question en me promettant un laissez-passer quotidien pour le tipi, une visite guidée des lieux prétendument si dangereux dès le lendemain et, évidemment, une longue chanson douce à la gloire de Hiawatta, la princesse amérindienne sans peur et sans reproche…

Après plusieurs regards furtifs en direction du couloir, du grenier, de la fenêtre et sous le lit, je conclus que la chambre était sans danger. Je postai Cathy-Chien sur l’oreiller de bâbord, puis je m’endormis du sommeil du juste. Au galop ! Les fantômes bizarres. Un brave se doit de faire une pause laurier-rose.

Le lendemain matin, je fis connaissance avec notre bonne. Madame Colette nous avait préparé un petit déjeuner extraordinaire. Pain doré, omelette, gaufres, confiture à la fraise. Je me régalai comme une reine ! Je conclus avec cette gente dame un pacte secret. J’obtins la permission de faire ma séance de lecture matinale dans son loft particulier pendant qu’elle préparait le repas. Je rayonnai de bonheur. Un salon de lecture estivale à moi tout seul ! Ce séjour commençait drôlement bien.

M’enfin, presque. Notre festin fut quelque peu perturbé par les aboiements de Cathy-Chien. D’évidence, mon fidèle épagneul roux avait flairé un loup, un ours ou je ne sais quoi ! Je me précipitai, tartine à la main, vers les cris multiples émanant du petit bâtiment situé dans le pré. Je m’arrêtai net en apercevant la cause de ce manège assourdissant. Je n’en croyais pas mes yeux ! Je me dirigeai vers Cathy-Chien pour la calmer. Je l’entraînai avec moi vers l’étrange personnage qui trottait dans mes vertes plaines.

La bête en question avait quatre pattes, une robe pie, une longue crinière, de tout petits sabots. Haute comme trois framboises, elle se dandinait comme un lutin. Les oreilles droites à l’affût de chacun de mes mouvements, l’animal me jeta un regard doux, complice et coquin. Devant cette huitième merveille du monde, cette beauté incommensurable des terres hantées de Saint-André-d’Argenteuil, je demeurai bouche béé comme un jeune zigoto à deux pattes. Des larmes de bonheur coulèrent sur mes joues…

Un poney ! Mon premier poney ! Abasourdie, je nommai le frère de sang Tanto de Huxley!

Dès lors, j’imaginai toutes ruses de Sioux possibles afin de… dormir dans l’écurie.
À suivre...

Commentaires

  1. oh ! il est rudement chouette ce texte !

    "Un brave se doit de faire une pause laurier-rose"

    J'aime bien cette phrase ;)

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  2. la framboise en tant qu'unite de mesure. . . ah ah ah

    ===
    des larmes de bonheur. . .
    Des transpirations de bonheur. . .

    joli pays :-)

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  3. Le sentier de na guère

    Avec deux trait de confiture à la fraise de chaque côté des narines , elle partit sur le sentier de naguère rejoindre le Meilleur des Mondes avec Huxley.

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