À l'ombre des carnets

Quand un Québécois parle vite, ce n’est pas si facile à suivre.
-- Par exemple? demanda le précis Justin.
Adamsberg se tourna vers Danglard, interrogateur.
-- Par exemple, répondit Danglard : « Tu veux-tu qu’on gosse autour toute la nuitte? »
-- Ce qui veut dire? demanda Voisenet.
-- « On ne va pas tergiverser là-dessus la nuit entière. »
-- Voilà, dit Adamsberg. Tâchez de saisir et évitez l’ironie facile, ou c’est la mission tout entière qui tombe à l’eau.
Fred Vargas
. Sous les vents de Neptune.

Selon les statistiques (c’est un sujet sérieux, les chiffres), l’été est propice à la lecture. Bizarre. Personnellement, je n’ai pas de période particulière pour lire. C’est génétique plutôt que statistique. Cependant, les saisons influencent mes choix. Par 37o à l’ombre, ce n’est pas le moment de se creuser la tronche. J’opte pour une lecture humoristique. Confortablement installée dans un hamac ou autre méridienne estivale, je me laisse bercer par les mots sous les grands saules en compagnie de Phileas, mon chat de bibliothèque.

Le polar est tout indiqué pour la canicule. Il est généralement plus accessible au lectorat durement éprouvé par le réchauffement de la Terre. De là, sa grande popularité lorsque le solstice se pointe. On se fait un polar entre deux séances devant le climatiseur. Problème : le polar est une drogue douce; on ne peut le laisser à l’ombre des carnets plus de quelques pages.

Je n’avais jamais lu Fred Vargas. Lors d’une escapade à la bibliothèque, je suis tombée sur la divine collection sournoisement étalée sur les rayons. Je me suis laissée guider par mon instinct afin de choisir un titre. Et vlan! Je suis tombée sur Sous les vents de Neptune. Je ne me doutais pas du souffle littéraire qui allait s’abattre sur mon ciboulot. Enfin! Un polar qui se distingue des noirs sentiers réguliers. Le rompol n’est pas noir. C’est un roman policier nocturne… Bonjour les nuits blanches ! Vargas préfère la poésie, l’imaginaire et l’humour aux sombres descriptions sanguinaires. J’entrevis de longs quarts sous les étoiles. Qui plus est, le titre sélectionné se déroule en partie au Québec.

J’ai apprécié l’originalité linguistique de madame Vargas. Tout est plus grand au Canada! Adamsberg, le commissaire, se rend en mission à Hull (tout est plus loin à Hull). Déjà, on sent le désir de dénicher un os sous une cabane au Canada! Évidemment, nous avons une longue histoire d’enfance à partager. J’ai savouré les dialogues truculents, les expressions exagérées et surtout le bestiaire québécois. Le boss des bernaches (une Germaine : elle gère et mène), le portier écureuil, le poisson monstrueux du lac Pink, etc. Le séjour des Parisiens chez les bœufs, les cops ou les cochs, choisissez votre locution favorite, est exquis. Je me suis délectée de cette mission ironique… à l’ombre des carnets géants. Tout est plus grand au Québec!

Je souhaite que Fred Vargas se passionne pour un nouvel os inclassable sur la mer de Champlain. Qu’elle revienne sous les vents féeriques du Québec. Cette Terre d’histoires à découvrir « l’espère sur l’corner », là où les oies blanches dansent sous les étoiles filantes « toute la nuitte ». Je lui offrirai avec bonheur un « vrai café d’ours noir bien serré géant double régulier » sous le vol des outardes… à l’ombre des carnets de légendes du pays où tout est plus « big ».

Merci à l’avance! Salut et Bye !

Commentaires

  1. Merci à vous chère Mireille,
    vos commentaires sont exquis.

    Je repasserai vous lire trés vite.
    Bonne journée

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