Un yéti sur le toit # 2

Le samedi matin demeure la journée préférée de mon enfance. Jour de congé! Pas de devoirs, pas de tenue particulière à revêtir : un bonheur d’écolier. C’est le grand Meaulnes en vacances. Ma bonne vieille salopette rouge sur le dos, inutile de me lever tôt. Je préférai lire Hergé ou Jules Verne dans mon lit en compagnie de mon chien. L’essentiel consistait à ne pas faire de bruit. Je reportai à plus tard les chevauchées dans les coulisses ou autres apprentissages du genre. Je patientai ainsi jusqu’au moment où mon estomac réclama quelques substances. Sur la pointe des pieds, je trottinai vers le bonheur absolu : la salle de divertissement de la maison!

Le vendredi soir, mon père, un couche-tard incorrigible, avait l’exquise habitude de réunir quelques amis, histoire de faire la fête! Traiteurs, musiciens, artistes de tous acabits venaient saluer notre maisonnée. Dans mon esprit, c’était la fête foraine du Grand Meaulnes. Évidemment, les enfants collaboraient à la danse. Une soirée de rêves. Quelques excentricités nous étaient permises, mais pas trop! L’heure du conte en pyjama mettait un terme à notre participation. Nous remettions à plus tard, la suite du dernier film de Bourvil, la présentation de la dernière oeuvre de Madeleine Arbour… Dodo oblige! Malgré toutes nos protestations, ma mère refusa toujours de nous laisser outrepasser les limites de l’heure du coucher. Après la lecture d’un récit ou l’audition d’une chanson douce, je réussissais à m’endormir… sous le rythme irrégulier du tam-tam du Père Ambroise Lafortune!

Le samedi matin, les vestiges de la table culturelle nous attendaient : croustilles, bâtons au fromage, canapés, boissons gazeuses, etc. C’était notre bombance, celle des enfants! Tous mes amis connaissaient l’astuce et répondaient à mon appel subtil lancé par la fenêtre! À notre tour, nous faisions la nouba. En catimini, nous nous dirigions vers le festin de Babette pour les moins de dix ans. Discrètement, nous honorions la largesse des grands poètes.

Je profitai du premier samedi de mon incursion dans le monde de Tintin au Tibet afin d’exposer mes découvertes à ma bande, mon groupe d’aventuriers. Selon François, le troisième de douze du clan des D., le yéti résidait au pôle Nord, au village du Père Noël. Tonnerre de Brest! Quelle logique inattaquable pour un enfant de sept ans! L’abominable homme des neiges aimait l’hiver, donc il résidait sur un glacier ou sur l’iceberg du Titanic. D’emblée, Jean Lemire était en culottes courtes à cette époque. Impossible pour nous de vérifier auprès de lui de telles hypothèses! Après une consultation au sommet, atlas et toutes encyclopédies confondues, nous nagions toujours en plein mystère : le yéti était-il Tibétain, Népalais ou Belge en résidence au Québec?

L’album d’Hergé enfoui dans mon sac à dos, nous enfourchâmes nos vélos, nos planches à roulettes afin d’aller interroger une sommité en matière de nationalité : le propriétaire du buffet chinois de notre quartier ; Monsieur Wong. Honorable intellectuel qui somme toute devait connaître la véritable origine du yéti de Tintin.

La question étant délicate, nous étions fébriles. Cependant, le jeu valait la chandelle. Je venais de souffler sept bougies d’anniversaire et surtout… j’avais un yéti sur le toit!


Commentaires

  1. Bonjour!

    C'est ma première expérience dans le monde du Blog et à chacunnes de mes visites je suis éblouie. Je le trouve très beau et très intéressant. Depuis le début de sa création, il ne cesse de s'enrichir. Je suis impressionnée par la quantité de beaux liens qui s'y sont ajoutés. Je m'y délecte avec plaisir... et avec ma tasse de café !
    Merci encore pour ce beau Carnet de bord.

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  2. Bonjour Surprise!

    Ce blogue est ma première expérience également. Je découvre les subtilités de cet univers en même temps que vous.

    Je souhaite y naviguer avec plaisir au fil des jours. Nous évoluerons ensemble sur cet océan merveilleux.

    Vos commentaires et vos suggestions sont grandement appréciées!!!

    Au plaisir!

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